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Proposition de loi tendant à préserver l'accès aux pharmacies dans les communes rurales

Mme Guylène Pantel, rapporteure de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen a demandé l’examen, dans son espace réservé, de la proposition de loi que nous avons déposée avec la présidente Maryse Carrère pour préserver l’accès aux pharmacies d’officine dans les communes rurales.

Après m’être concertée avec Mme Carrère, le texte a été substantiellement modifié en commission, sur mon initiative. Nous vous proposerons de le compléter.

En premier lieu, il me semble utile de nous arrêter sur l’état de notre réseau officinal et sur les difficultés rencontrées dans certains territoires.

Celles-ci n’ont rien d’évident : la qualité du maillage officinal a longtemps été vantée. La France bénéficiait, ces dernières années encore, d’une densité d’officines supérieure à la moyenne des pays développés : trente-deux officines pour 100 000 habitants en 2019 contre vingt-huit, en moyenne, dans les pays de l’OCDE.

Du fait d’une régulation ancienne du secteur, les pharmaciens sont plus équitablement répartis sur le territoire que la plupart des autres professionnels de santé. En effet, l’ouverture d’une officine doit être autorisée par le directeur général de l’ARS et ne peut l’être, en l’absence de cessation d’activité récente, que dans une commune de plus de 2 500 habitants, puis une fois par tranche de 4 500 habitants supplémentaires.

Il résulte de l’application de ces règles un maillage territorial performant : en 2016, 97 % des Français vivaient à moins de dix minutes en voiture d’une officine. Les 35 % d’officines situées dans des communes de moins de 5 000 habitants y contribuent largement.

Pourtant, le réseau officinal s’est beaucoup affaibli ces dernières années. Depuis dix ans, le nombre de pharmacies d’officine diminue de manière constante : la France a perdu, entre 2012 et 2022, plus de 8 % de ses officines, alors qu’elle gagnait 3,7 % d’habitants.

Il faut ajouter à cela le vieillissement de la population et l’augmentation de ses besoins de santé : sur la même période, la prévalence des maladies chroniques s’est accrue de deux points.

Il convient également d’apporter une précision : si le réseau officinal est moins déséquilibré que d’autres, des inégalités territoriales n’en sont pas moins constatées dans l’implantation des officines.

Certains territoires sont particulièrement pénalisés. En 2022, près d’un tiers des départements dénombraient moins de trente officines pour 100 000 habitants ; les départements les mieux dotés en comptaient, eux, plus de trente-cinq pour 100 000 habitants.

Les fermetures d’officine ne font bien sûr qu’aggraver les difficultés constatées. Dans les territoires les moins bien pourvus, il arrive désormais que les habitants se trouvent sans solution de proximité : la vallée de la Roya, dans les Alpes-Maritimes, comme le village de Cozzano, en Corse, en sont des exemples médiatisés.

Monsieur le ministre, face à ce constat, le législateur a entendu agir. Au cours des dernières années, deux initiatives ont visé à maintenir l’accès aux médicaments dans les territoires les plus sinistrés : l’expérimentation des antennes d’officine et la création du dispositif Territoires fragiles. Mais, pour l’heure, ces mesures n’ont connu aucune application effective.

Pour maintenir l’accès aux médicaments dans les communes isolées, la loi Asap a autorisé à titre expérimental la création d’une antenne d’officine par le pharmacien titulaire d’une commune limitrophe, lorsque la dernière officine de la commune d’accueil a cessé son activité et lorsque l’approvisionnement en médicaments y est compromis.

Quant à la récente loi visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels de santé, elle a cherché à résoudre les difficultés juridiques qui ont, jusqu’à présent, empêché le lancement effectif de l’expérimentation.

Par ailleurs, une ordonnance de janvier 2018 a permis l’identification de territoires dits fragiles, où l’accès aux médicaments n’est pas assuré de manière satisfaisante.

Les directeurs généraux des agences régionales de santé doivent dresser la liste de ces territoires. Mené dans des conditions définies par décret, ce travail doit notamment tenir compte des caractéristiques démographiques, sanitaires et sociales des populations, de l’offre pharmaceutique et des particularités géographiques de chaque zone.

Dans les territoires fragiles ainsi identifiés, l’assurance maladie ou l’ARS peuvent accorder des aides spécifiques aux officines, pour favoriser leur ouverture et leur maintien.

En outre, la création d’une pharmacie est facilitée dans les communes de moins de 2 500 habitants. L’ouverture peut être autorisée si la commune d’implantation est située dans un ensemble de communes contiguës dépourvues d’officine, lorsque l’une d’elles recense au moins 2 000 habitants et lorsque toutes totalisent au moins 2 500 habitants.

Nous sommes plus de trois ans après l’autorisation de l’expérimentation des antennes d’officine et plus de six ans après l’adoption du dispositif Territoires fragiles ; or – j’y insiste – ni l’un ni l’autre de ces outils n’est encore déployé.

D’après les parties prenantes auditionnées, les premières antennes d’officine devraient bientôt pouvoir être créées dans les territoires les plus sinistrés, notamment dans la vallée de la Roya et le village de Cozzano. En revanche, le dispositif Territoires fragiles demeure inapplicable, faute de décret.

Cette situation est particulièrement préjudiciable dans le contexte actuel, marqué par l’accélération du rythme de fermeture des officines.

Depuis 2018, la France perd chaque année environ 1 % de ses pharmacies. La tendance, désormais nette, pourrait se poursuivre et s’aggraver : d’après le Conseil national de l’ordre des pharmaciens (Cnop), la part des titulaires d’officine de plus de 60 ans a presque doublé depuis dix ans. Le manque d’attractivité des études de pharmacie, dont témoignent les places laissées vacantes, est de surcroît manifeste depuis quelques années.

Cette situation est d’autant plus dommageable que les pharmaciens se sont récemment vu confier de nouvelles missions destinées à améliorer l’accès aux soins. Leur rôle a été renforcé, qu’il s’agisse de la réalisation de tests rapides d’orientation diagnostique (Trod), de la prescription de vaccins ou encore de la délivrance de médicaments sans ordonnance.

Ces nouvelles compétences ont conforté les pharmaciens comme acteurs essentiels de proximité, particulièrement lorsque les médecins manquent. Toutefois, les difficultés constatées pour accéder à une officine risquent d’annuler localement les effets de cette politique.

Dans nos territoires ruraux, ces tensions ne font qu’aggraver les diverses difficultés d’accès aux soins, décrites depuis longtemps. D’après une étude conduite par l’Association des maires ruraux de France, dont j’ai auditionné les représentants, l’écart d’espérance de vie entre départements ruraux et urbains s’aggrave : il atteint désormais près de deux ans pour les hommes et un an pour les femmes.

Parce qu’il est urgent d’agir pour faciliter l’installation d’officines dans nos campagnes, le texte déposé par notre collègue Maryse Carrère visait à assouplir les conditions d’ouverture des pharmacies d’officine par voie de transfert, de regroupement ou de création.

Cette proposition de loi autorisait ainsi les ouvertures dans les communes de moins de 2 500 habitants, lorsqu’elles sont situées dans un ensemble de communes contiguës dépourvues d’officine qui totalisent, ensemble, une population dépassant ce seuil.

Mes chers collègues, les auditions que j’ai conduites ont toutefois révélé qu’une révision des critères de droit commun d’ouverture des officines, applicables à l’ensemble du territoire national, inquiète les pharmaciens. Ces derniers redoutent la déstabilisation du réseau officinal existant et la création d’officines non rentables.

Entendant ces inquiétudes, la commission a choisi de recentrer le présent texte sur sa cible prioritaire : les territoires les moins bien pourvus en officines et, en leur sein, les communes faiblement peuplées, qui, selon les critères actuels, ne peuvent accueillir une officine.

Elle a donc réécrit l’article unique de la proposition de loi pour contraindre le Gouvernement à prendre dans les prochains mois le décret attendu depuis six ans, permettant l’application du dispositif Territoires fragiles. En l’absence de décret, ce dispositif serait automatiquement applicable à l’issue du délai fixé : il appartiendrait alors aux directeurs généraux des ARS d’identifier les territoires fragiles de leur ressort sur la base des seuls critères légaux et d’y appliquer les conditions d’ouverture assouplies prévues par la loi.

Nous vous proposerons par ailleurs un amendement visant à compléter le dispositif, pour permettre aux directeurs généraux d’ARS de prolonger la durée maximale de remplacement des titulaires d’officine ou encore de renouveler une fois le délai de caducité des licences en cas de cessation d’activité.

Ces nouvelles prérogatives seront autant d’outils permettant de réguler, dans les territoires, les opérations de restructuration et de mieux tenir compte des tensions constatées dans l’accès à une officine.

Cette proposition de loi nous offre l’occasion d’agir enfin pour l’accès aux pharmacies d’officine dans nos territoires.

Il est incompréhensible que le dispositif Territoires fragiles reste inappliqué depuis plus de six ans. Il est urgent de donner aux acteurs de terrain les moyens d’agir pour préserver le maillage officinal : c’est l’objectif de ce texte, que la commission vous invite à adopter. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – Mme Solanges Nadille, M. Marc Laménie et M. le président de la commission applaudissent également.)

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