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Proposition de loi visant à endiguer la prolifération du frelon asiatique et à préserver la filière apicole

M. Jean-Yves Roux, rapporteur de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en 1668, Jean de La Fontaine faisait paraître le premier volume de ses Fables, au sein duquel le texte Les Frelons et les mouches à miel mettait déjà à l’honneur les insectes qui occuperont l’attention de notre Haute Assemblée ce matin – la mouche à miel étant le terme usité à l’âge classique pour désigner l’abeille.

J’aurais préféré que le frelon asiatique reste un animal légendaire – une curiosité d’un autre continent –, cantonné à son aire de répartition originelle, qui n’entame jamais la fabuleuse invasion de notre territoire national.

Il est en effet devenu, en moins de vingt ans, un hyménoptère très bien identifié, cauchemar des abeilles et bête noire de la profession apicole. La morale de cette fable est limpide : l’État-tortue n’a pas pris les mesures nécessaires pour mettre en échec le frelon-lièvre. (Sourires.)

Vingt ans après sa détection sur le territoire national, le frelon asiatique à pattes jaunes a colonisé la France entière, avec une expansion moyenne de soixante-dix-huit kilomètres par an. Seule la Corse, grâce à son insularité, est aujourd’hui protégée de ce redoutable prédateur.

Une seule femelle, arrivée il y a vingt ans, est à l’origine de plus de 12 millions d’euros de pertes économiques annuelles pour la production apicole, directement imputables à cette espèce. C’est là un exemple parfait à l’attention des étudiants en mathématiques pour illustrer le principe d’une suite géométrique.

On estime que cette espèce exotique envahissante est responsable d’environ 20 % de la mortalité observée dans les ruchers. L’abeille domestique et les insectes sociaux constituent en effet les proies de prédilection et la majeure partie du bol alimentaire de cette espèce. Chaque année, un nid de frelons asiatiques consomme plus de onze kilogrammes d’insectes pour la nourriture de ses larves.

La prédation n’est pas le seul effet négatif généré par sa présence à proximité d’une exploitation apicole : le stress qu’occasionne son vol stationnaire en sortie de ruche conduit bien souvent à un affaiblissement de la colonie tout entière en raison d’un moins grand nombre de sorties des abeilles butineuses.

À son arrivée un peu avant 2004 dans le Lot-et-Garonne, le frelon asiatique a trouvé en France des conditions propices à son épanouissement et à sa prolifération : climat idéal, absence de prédateurs sur son segment écologique, forte résilience aux parasites et insuffisance des mesures d’éradication au moment de sa détection.

La lutte contre cette espèce ne doit cependant pas être envisagée uniquement comme une problématique apicole, car sa présence contribue avec certitude au déclin d’autres insectes sociaux et des pollinisateurs sauvages, bien qu’il soit difficile de déterminer dans quelle proportion. Cela provoque des baisses de rendement dans les exploitations arboricoles et végétales dont la productivité dépend de la pollinisation.

En somme, le frelon asiatique est une calamité apicole, un fléau pour la biodiversité entomologique, ainsi qu’un facteur de risque agricole insuffisamment pris en compte.

En disant cela, je ne cherche pas à attribuer de bons ou mauvais points non plus qu’à désigner des responsables ; je fais simplement le constat qu’il est urgent de réagir et de proposer un cadre législatif pour optimiser les moyens de lutte et renforcer la cohérence des actions visant à amoindrir les pressions de prédation de cette espèce exotique envahissante devenue endémique.

Sa progression dans l’ensemble des départements hexagonaux est telle qu’il est devenu illusoire d’envisager son éradication avec les moyens de lutte actuels.

L’auteur du texte a rappelé l’absence de vigueur des mesures mises en œuvre par l’État pour faire face à cette espèce exotique envahissante et le manque de coordination des efforts des collectivités et des agriculteurs, qui ont conduit à la situation actuelle. Il s’agit désormais de faire front uni et d’engager, de façon concertée, un plan national de lutte contre le frelon asiatique avec l’ensemble des acteurs concernés, avec des moyens dédiés et une volonté politique forte.

Aujourd’hui, dans cet hémicycle, nous avons l’opportunité d’engager cet élan transformateur et de changer d’échelle en matière de lutte et d’accompagnement des acteurs face au frelon asiatique.

Telle est l’ambition de l’auteur de cette proposition de loi, notre collègue Michel Masset, dont je salue ici l’indéfectible engagement. D’autres sénateurs ont également ouvert la voie par leurs réflexions, leur initiative et leur engagement, à l’instar de notre collègue Kristina Pluchet, avec qui les échanges ont été fructueux, ou de notre collègue Nicole Bonnefoy, qui a très tôt alerté sur la nécessité d’une action plus volontariste de l’État.

Ce texte est la preuve que la ténacité d’une assemblée finit toujours par payer quand un sujet lui tient à cœur.

Que propose-t-il au sortir de son examen en commission ? Un plan national de lutte contre le frelon asiatique, qui détermine les grands principes et les indicateurs de suivi de l’ensemble des actions menées et qui se décline en plans départementaux, afin de lancer des réponses locales cohérentes, construites avec les acteurs du territoire et coordonnées avec les objectifs définis à l’échelon national.

À l’État sera confié le soin de piloter cette stratégie, avec un double engagement par les ministres chargés de l’agriculture et de l’environnement, en concertation avec les acteurs et les scientifiques, afin d’œuvrer à la recherche de systèmes de prévention et de lutte efficaces et sélectifs.

Des financements multipartites seront apportés à la fois par l’État, par les collectivités territoriales et par les acteurs de la filière, afin de mutualiser les moyens consacrés à la lutte et d’atteindre une surface financière permettant d’agir plus efficacement.

Nous nous inspirons ici de la devise nationale de nos amis belges, selon laquelle « l’union fait la force ». Seule la conjonction des efforts de la puissance publique et des acteurs, dans la durée, avec des moyens pérennes, permettra en effet d’endiguer de façon sensible la prolifération du frelon asiatique.

Le dispositif proposé instaure également une obligation de signalement de nid pour tout propriétaire, ainsi qu’une évaluation, par le préfet, de l’opportunité de faire procéder à la destruction de celui-ci, au regard du danger qu’il représente pour la santé publique et du cycle biologique de l’espèce.

En matière d’indemnisation, attente forte des acteurs entendus en audition et pierre angulaire de l’accompagnement des agriculteurs ayant subi un préjudice économique imputable au frelon asiatique, je vous proposerai par amendement la mise en place d’un système fondé sur le fonds national agricole de mutualisation du risque sanitaire et environnemental (FMSE).

La création d’une section apicole au sein du FMSE constitue, à mon sens, un mécanisme dont la simplicité, l’efficacité et la rapidité de déclenchement répondent aux attentes des apiculteurs avec qui j’ai discuté lors des auditions comme dans mon département.

Je suis animé de la volonté de limiter l’impact budgétaire des textes que nous adoptons. Je précise donc que l’indemnisation constitue, à mon sens, la dernière séquence d’une réponse publique, n’intervenant que lorsque les techniques de prévention et de lutte ont échoué et que le dommage que l’on cherchait à éviter s’est produit.

Les mesures prises dans le cadre du plan national de lutte ont vocation à faire diminuer les pressions de prédation sur les ruchers. À ce titre, la dynamique des indemnisations versées permettra d’évaluer, ces prochaines années, l’efficacité des mesures de lutte et de prévention par rapport à l’année zéro.

Mes chers collègues, tel est, brièvement présenté, le contenu du texte soumis à vos suffrages ce matin. Je suis tenté de croire que les dispositifs qu’il met en œuvre répondent aux attentes des acteurs, au vu des courriels de soutien que je reçois depuis plusieurs jours.

Il a le mérite de sanctuariser des financements dédiés à la lutte, apportés par la collectivité publique et par les acteurs socioéconomiques, mais également – c’est là une avancée notable – par l’État, qui assume sa part en contribuant financièrement à cette lutte nécessaire. Il coordonne l’action des acteurs pour plus d’efficacité et de cohérence dans le cadre de plans départementaux qui doseront l’effort et les réponses à apporter au regard de la présence du frelon asiatique et des pressions qu’il induit sur les ruchers. J’y vois une application du principe de différenciation cher à notre assemblée.

Enfin, si vous adoptez l’amendement que j’ai déposé concernant le FMSE, ce texte présentera l’immense avantage d’accompagner financièrement les apiculteurs ayant subi des pertes économiques causées par le frelon asiatique, ce qui constituera une avancée très significative par rapport à la situation actuelle, caractérisée par la défaillance du régime assurantiel et par l’absence d’indemnisation.

Par conséquent, mes chers collègues, je vous engage à adopter ce texte modifié par les amendements proposés par la commission. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – Mmes Jocelyne Antoine et Nicole Bonnefoy applaudissent également.)

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