Proposition de résolution tendant au développement de l'agrivoltaïsme en France
M. Henri Cabanel. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ces derniers mois, les tensions d'approvisionnement sur le marché de l'énergie ont mis en lumière l'urgence d'agir en matière de transition énergétique.
En 2021, de nouvelles capacités de 290 gigawatts ont été installées dans le monde. Toutefois, selon l'Agence internationale de l'énergie, il faudrait encore doubler cet effort pour respecter la trajectoire fixée dans l'accord de Paris. La France reste en retard sur ses engagements nationaux et internationaux.
La programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) fixe un objectif de 35,1 à 44 gigawatts de capacité photovoltaïque installée en 2028. Le respect de cette trajectoire suppose de tripler, voire de quadrupler, la superficie consacrée à l'implantation de ces projets.
Bien que la production énergétique ne soit pas la première cause de l'artificialisation des sols dans notre pays, l'essor de ce secteur ne doit pas se faire au détriment des sols naturels et de la production alimentaire, laquelle doit rester prioritaire en zone agricole, comme le souligne d'emblée la première phrase de l'exposé des motifs de la présente proposition de résolution.
Les contestations qui émergent autour des projets d'installation d'énergies renouvelables ne frappent pas uniquement les éoliennes ou les méthaniseurs. Les conflits d'usage s'amplifient sur le terrain en ce qui concerne le photovoltaïque, en particulier les centrales au sol, qui accaparent les terres agricoles, ce qui soulève des inquiétudes légitimes.
Afin d'assurer la compatibilité de la filière avec nos objectifs de lutte contre l'artificialisation des sols, renforcés par la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi Climat et résilience, la proposition de résolution évoque l'agrivoltaïsme, qui permettrait, selon ses auteurs, de coupler la production d'énergie photovoltaïque secondaire à une production agricole principale à raison d'une synergie de fonctionnement entre les deux systèmes. La production agricole serait même optimisée grâce à l'installation d'ombrières pilotables avec un recours possible à l'intelligence artificielle.
Outre sa faible emprise au sol, l'agrivoltaïsme permettrait d'apporter un complément de revenu aux agriculteurs.
Sur le papier, cette solution apparaît très intéressante. Dans les faits, on ne peut faire l'impasse sur les risques de détournement des terres de leur vocation agricole et d'accaparement par des exploitations toujours plus importantes.
Cela ne doit pas être minimisé : dans certains territoires, on a assisté au développement de serres dotées de panneaux avec une activité agricole réduite ou inexistante. Il est donc indispensable de renforcer le contrôle a priori et a posteriori de ces projets afin de vérifier qu'ils correspondent bien à la définition de l'agrivoltaïsme que les pouvoirs publics voudraient promouvoir. La création d'un label « agroénergie », comme le préconisait, en 2020, le rapport de notre ancien collègue Roland Courteau et du député Jean-Luc Fugit, au nom de l'Opecst, pourrait constituer une piste afin de faire le tri entre les projets.
La production d'énergie photovoltaïque doit demeurer secondaire. Ce qui ne doit être qu'un complément d'activité et de revenus ne doit pas devenir plus rentable que l'exploitation agricole, ce qui risquerait d'entraîner une augmentation du prix du foncier agricole et de favoriser une spéculation alors que les rémunérations actuelles ne permettent pas à la profession de vivre décemment. Les loyers versés par les énergéticiens dépassent souvent trois à quatre fois les prix des fermages.
Oui à la diversification des revenus des agriculteurs ; non à leur remplacement par des rémunérations provenant d'activités annexes. Aussi faudrait-il instaurer un seuil correspondant à un pourcentage du chiffre d'affaires.
Il faut certes une définition, comme le proposent les auteurs de la proposition de résolution, mais aussi un encadrement. Or, la proposition de résolution demande au Gouvernement de « lever les freins législatifs et réglementaires », sans préciser les points de blocage qu'elle voudrait voir disparaître.
Si je ne suis pas opposé à l'agrivoltaïsme en soi, je ne souhaite pas sa généralisation. Le soutien public doit aller en priorité à la profession agricole, à la préservation des superficies exploitées et aux innovations dont elle pourrait bénéficier. À cet égard, les aides publiques doivent donc être conditionnées et correctement calibrées.
J'estime qu'une prise de recul est indispensable afin d'évaluer les conséquences des mesures proposées dans ce texte, et ce d'autant plus que la justice administrative a évolué favorablement sur ces projets photovoltaïques ces dernières années.
Aussi, il est préférable de favoriser le photovoltaïsme sur les toits des bâtiments, quels qu'ils soient, plutôt qu'au sol. Ne faisons pas reposer la responsabilité de la production énergétique sur les terres agricoles dont 88 hectares disparaissent chaque jour en France. Mobilisons davantage les gisements photovoltaïques potentiels sur les friches ou les zones déjà artificialisées.
Cette idée semble avancer. Pour autant, mon groupe votera majoritairement ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
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