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Proposition de loi portant réparation des personnes condamnées pour homosexualité entre 1945 et 1982

Mme Nathalie Delattre. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, il y a des filiations dont le législateur se passerait bien : ainsi des dispositions pénales relatives à la majorité sexuelle, discriminatoires entre hétérosexuels et homosexuels, qui furent introduites dans notre droit sous le régime de Vichy et maintenues par les deux républiques suivantes pendant presque quarante ans. Je ne reviendrai pas sur l’historique de ce dispositif, très bien rappelé par les orateurs précédents.

Je souhaite, en toute simplicité, saluer l’initiative de notre collègue Hussein Bourgi, ainsi que le travail de notre rapporteur Francis Szpiner, qui a pu nous apporter un certain nombre d’éclaircissements, tant en commission qu’en séance publique.

M. Bourgi nous propose d’adopter trois dispositifs.

Le premier est déclaratif : il s’agit d’exprimer la reconnaissance et le regret de la politique de criminalisation et de discrimination mise en œuvre entre le 6 août 1942 et le 4 août 1982 à l’encontre des personnes homosexuelles, ou présumées telles.

Certains peuvent douter de la pertinence de tels articles déclaratifs, qui semblent dépourvus de réelle portée normative, d’autant que, pour ces faits, le Parlement a adopté une loi d’amnistie, promulguée le 4 août 1981. Mais ce geste, pourtant essentiel, n’a signifié que l’effacement des condamnations, sans entraîner la réparation morale des maux causés par de telles condamnations, qui sont allés, dans certains cas, jusqu’au suicide.

Avec ce nouveau dispositif, notre nation assumerait ces discriminations passées, les regretterait et en demanderait pardon.

En revanche, je suis réservée sur le deuxième dispositif, à savoir la création d’un délit pénal réprimant spécifiquement les propos visant à nier la déportation subie par les personnes homosexuelles, au cours de la Seconde Guerre mondiale, depuis la France.

En effet, le tribunal de Nuremberg a défini en ces termes le crime contre l’humanité : « assassinat, extermination, réduction en esclavage, déportation et tout autre acte inhumain commis contre toute population civile, avant ou pendant la guerre ».

Aussi, dans la continuité de cette définition, le négationnisme doit être condamné sévèrement, mais dans sa globalité et sans distinction, c’est-à-dire sans qu’il soit nécessaire de spécifier, un à un, les motifs de la déportation. Juifs, handicapés, Tsiganes, homosexuels, opposants politiques, la liste n’est malheureusement pas exhaustive, mais la condamnation est opérationnelle juridiquement.

Enfin, il nous est proposé un troisième dispositif, de nature indemnitaire : une réparation financière pour les personnes qui ont été condamnées pour homosexualité entre 1942 et 1982. J’y suis plutôt favorable, car, lorsqu’un dommage est subi, il doit donner lieu à réparation. Plusieurs États ont déjà procédé à une telle indemnisation. Pourquoi ne pas inscrire la France dans cette dynamique, d’autant que ce geste sera plus symbolique qu’onéreux ?

La question de l’homophobie et des discriminations liées à l’orientation sexuelle continue d’être préoccupante dans notre pays. Il faut l’appréhender dans un contexte global, celui d’une société où certains se referment, d’une société qui voit ressurgir des doctrines occultes et obscurantistes.

Le rapport de l’association SOS homophobie est sans ambiguïté : le recensement des actes homophobes révèle une augmentation des agressions physiques. Ce constat est alarmant, car il est le reflet d’un certain échec de notre politique sociale et éducative.

L’homophobie n’est ni une posture ni une opinion : c’est un délit à condamner fermement. Nous voterons donc, malgré quelques réserves, en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Mélanie Vogel et M. Pierre Ouzoulias applaudissent également.)

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