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Proposition de loi relative au financement des entreprises de la base industrielle et technologique de défense française

M. Jean-Noël Guérini. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, après bien des péripéties, nous voilà réunis aujourd'hui pour débattre du financement des entreprises de défense de l'industrie française.

Lors de l'examen en séance publique des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030, j'avais exprimé mes réticences, constatant que la création d'un véritable livret d'épargne de souveraineté destiné à financer la base industrielle et technologique de défense avait été remplacée par un fléchage des encours du livret A.

Ce choix était critiquable en pleine crise du logement, alors que les Français peinent à accéder à des logements à loyer modéré. Que chacun soit rassuré : en cosignant la proposition de loi de Pascal Allizard, j'ai non pas changé d'avis, mais assoupli ma position, avec comme ligne de conduite la seule promotion d'un lien fort entre la Nation et ses armées.

J'ai souhaité faire mienne, comme la majorité de mon groupe, cette citation de Nietzsche : « Atteindre son idéal, c'est le dépasser, même coupé. »

Mes chers collègues, ne sommes-nous pas ici dans la maison de la sagesse ? C'est la raison pour laquelle à rien j'ai préféré un peu, car ce peu permettra peut-être le mieux, à savoir un véritable livret de souveraineté de défense.

En tant que parlementaires, nous devons d'abord apprécier le contexte géopolitique et historique dans lequel les textes sont examinés. Or ce contexte a fortement évolué : avec l'invasion de l'Ukraine, la guerre est revenue aux portes de l'Union européenne.

Nous pouvons le déplorer ou feindre de l'ignorer, mais c'est une tragique réalité. Regretter que la paix par le droit ne soit plus qu'un vœu pieux, en soupesant nos aveuglements depuis la fin de la guerre froide, ne doit pas nous réduire à la procrastination.

Un relatif consensus s'était établi pour constater que notre outil de défense, comme dans bon nombre d'États, était a minima adapté à des temps de paix et de politiques interétatiques laissant place au dialogue et à la diplomatie.

En revanche, entrer dans une économie de guerre suppose, pour les entreprises de la BITD, et en particulier les PME, de disposer des fonds nécessaires, en complément d'un effort budgétaire réel, favorisé par d'importants investissements.

Si l'agression russe a réveillé l'Europe stratégique, la menace doit bousculer notre naïveté, aussi légendaire que nos inerties coupables. Plus que des paroles ou des discours, des financements pérennes rendront crédibles nos positions de fermeté.

C'est pourquoi j'assume la responsabilité de cosigner cette proposition de loi, ainsi que d'approuver les évolutions liées au fléchage sur le livret A. À cet égard, les garanties apportées par la commission des finances et précisées il y a quelques instants par M. le rapporteur me rassurent.

Ensuite, nul ne conteste que les entreprises de la défense, principalement les PME, connaissent des difficultés d'accès au crédit. Ces freins sont liés à la question de l'éthique de la fabrication des armes, laquelle serait, comme l'écrit si bien Pierre-Louis Boyer, « le piège contemporain de l'efficience morale ».

Cette vision morale peut se comprendre. Est-elle cependant acceptable et soutenable face à la montée des périls ? Voilà plusieurs décennies, François Mitterrand regrettait que les missiles soient à l'est et les pacifistes à l'ouest. Devrons-nous nous contenter d'être des professeurs de morale ?

Comment ne pas donner aux industriels comme à notre pays les outils pour financer un effort indispensable pour le secteur de la défense ? Nul ne peut oublier en effet que ce dernier crée des emplois, en même temps qu'il est un outil de notre sécurité.

Avec ce texte, nous offrons la possibilité aux épargnants français de donner sens à ce combat pour défendre nos valeurs et nos idéaux, malmenés et menacés par le cynisme et la force brutale de dirigeants dérangés et sans scrupules. Ils savent mieux que quiconque que l'argent est le nerf de la guerre.

En ouvrant ces possibilités de financement, nous ne laissons pas nos sentiments bellicistes l'emporter. Nous faisons simplement preuve, mes chers collègues, de cohérence. En ces temps incertains, c'est essentiel.

C'est donc avec bienveillance que le groupe RDSE se prononcera, à l'unanimité moins une abstention, en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. le rapporteur, ainsi que MM. Pascal Allizard et Alain Chatillon applaudissent également.)

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