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Proposition de loi visant à mettre en place un décompte annuel des personnes sans abri dans chaque commune

M. Philippe Grosvalet. « Monsieur le ministre, le petit bébé de la cité des Coquelicots, à Neuilly-Plaisance, mort de froid dans la nuit du 3 au 4 janvier, pendant le discours où vous refusiez les “cités d’urgence”, c’est à 14 heures, jeudi 7 janvier, qu’on va l’enterrer. Pensez à lui. »

C’est en ces termes que l’abbé Pierre interpellait le ministre Maurice Lemaire, au matin du 5 janvier 1954. « Gouverner, c’est d’abord loger son peuple », nous a-t-il enseigné.

Sans doute cet impératif a-t-il guidé les premiers pas du Président de la République en 2017, quand il déclarait de façon quasi militaire que « la première bataille, c’est de loger tout le monde dignement ». Il s’était engagé à ce qu’il n’y ait plus d’« hommes et de femmes dans la rue ». Sept ans plus tard, cette « première bataille » s’apparente déjà à une véritable Bérézina. Et, au vu de l’ampleur du drame, il y a fort à craindre que ce soit la guerre contre ce terrible fléau que le Président de la République ait déjà perdue.

Cela a été dit, il y a en France, selon la Fondation Abbé Pierre, 330 000 personnes sans abri, et ce chiffre a doublé en dix ans. Derrière ce constat affolant, vous l’avez dit, monsieur le ministre, ce sont des hommes, des femmes, parfois des enfants, avec une identité et une histoire : Sofia, qui s’est retrouvée à la rue à la suite de la perte de son emploi, sans pouvoir se tourner vers sa famille ; le petit Quentin, qui est scolarisé, mais fait ses devoirs dans les cages d’escalier, et suit sa mère aux urgences le soir pour y passer la nuit ; Irina, une femme courageuse, qui souhaite trouver du travail, mais n’y parvient pas faute de disposer d’un toit.

À ces quotidiens brisés et sans issue s’ajoute la réalité sanitaire de ces situations. La rue siphonne l’espérance de vie de ceux qui y vivent : elle est de 50 ans en moyenne pour un homme et de 46 ans pour une femme. La rue tue. Des centaines de personnes meurent chaque année dans nos rues. En 2022, elles ont été au nombre de 624.

Il ne faut pas aller bien loin pour se rendre compte de ces drames. À quelques pas de ce palais de la République, dans les pôles urbains comme dans les territoires ruraux, ces drames humains s’inscrivent dans le paysage de nos villes et même de nos villages, avec ce paradoxe terrible : les personnes dans la rue deviennent invisibles à mesure que leur nombre grossit.

Si la puissance publique n’apporte toujours pas de solution à la hauteur du problème, nous souhaitons saluer le travail formidable des associations et des ONG. Elles prennent le temps, accompagnent, comblent les lacunes de nos politiques publiques, et nous rappellent justement à notre devoir de fraternité.

Ces individus qui vivent dans une souffrance permanente, aussi bien physique que psychique, sont le reflet de notre échec commun à garantir dans notre pays le strict minimum, à savoir la dignité par le logement.

Cette proposition de loi, bien qu’elle mentionne dans son titre le terme « décompter », qui ne me paraît pas approprié lorsque l’on parle de personnes – et je le déplore –, recevra le soutien du RDSE.

Recenser les personnes sans abri doit participer à inscrire dans tous les esprits l’urgence des situations, leur caractère inacceptable et profondément indigne. Disposer de données régulièrement actualisées permettra de suivre les évolutions au plus près, de maintenir une vigilance forte et de conserver au cœur du débat public un sujet qui doit nous toucher dans notre humanité.

La remise d’un rapport annuel au Parlement viendra également renforcer la place que doit occuper dans nos débats parlementaires le sujet des sans-abri.

Monsieur le ministre, jamais je n’aurais imaginé un jour soutenir à cette tribune une proposition de loi visant à décompter les sans-abri…

Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Philippe Grosvalet. Il est grand temps que, dans notre pays, chacun ait, pour la nuit, un toit au-dessus de sa tête. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, GEST et SER.)

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