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Débat : "La laïcité, garante de l'unité nationale"

 

Dans le débat, la parole est à Mme Françoise Laborde, pour le groupe auteur de la demande. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et Les Indépendants, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)

 

Mme Françoise Laborde, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a cinq ans, presque jour pour jour, la République était frappée au cœur. Il y a cinq ans, presque jour pour jour, mon ami Charb perdait la vie avec les membres de la rédaction assassinée du journal satirique Charlie Hebdo.

Après les militaires tombés à Montauban et les élèves de l'école juive de Toulouse, massacrés en 2012, d'autres attaques terroristes ont encore tué en novembre 2015, au Bataclan, au Stade de France, à l'Hyper Cacher, sur les terrasses, puis à Nice en 2016, à Trèbes, à Saint-Étienne-du-Rouvray, à Marseille, à la préfecture de Paris et la semaine dernière, de nouveau, à Villejuif.

Je tiens à rendre hommage solennellement à toutes les victimes de ces actes inqualifiables.

Ces coups de boutoir ont ébranlé notre République, mais n'ont jamais fait vaciller ses fondements humanistes et universalistes. Leur objectif était de tenter d'abattre notre socle républicain, notre arbre de la liberté, dont les ramures sont la liberté de penser, la liberté d'expression, celle de critiquer les religions, de s'amuser en célébrant le sport, la chanson ou la fête nationale, de croire ou de ne pas croire, la liberté de conscience. Ce sont bien elles qui ont été visées il y a cinq ans.

Avec les membres de mon groupe, je ne veux retenir de cette période sombre que les jours qui ont suivi la stupéfaction : plus de 4 millions de nos compatriotes sont descendus dans la rue, le 11 janvier 2015, pour exprimer leur solidarité, se serrer les coudes face à l'adversité et rendre un hommage poignant, encore aujourd'hui dans notre mémoire collective, à toutes les victimes, aux intellectuels idéalistes qui se battent pour faire vivre nos principes républicains au prix de leur vie, mais aussi aux forces de l'ordre, en première ligne pour apporter secours aux victimes et traquer les assassins qui ont tué au nom de l'obscurantisme et du terrorisme islamiste.

Je me souviens aussi de la solidarité internationale, notre République accueillant les chefs d'État du monde entier, venus épauler nos concitoyens.

Je me souviens encore de la statue de la République, dressée sur la place du même nom, devenue un promontoire bigarré, tagué, éclairé par les bougies et les messages des anonymes venus durant des jours, des semaines, des mois communier avec force slogans et ex voto : « Je suis Charlie » ; « Nous sommes Charlie » ; « Même pas peur ! » ; « Vous n'aurez pas notre haine » ; « Charliberté » ; « Mourir pour un dessin » ; « C'est l'encre qui doit couler, pas le sang » ; « La liberté de la presse n'a pas de prix ! »

Je me souviens des paroles prononcées par Charb, en 2012, à l'occasion de la cérémonie du prix national de la Laïcité, qu'il me remettait à l'hôtel de ville de Paris, comme une prémonition : « Je préfère mourir debout que vivre à genoux. » Aujourd'hui, nous le savons, la liberté a un prix, celui du sang. (L'oratrice se montre très émue.)

La France a surmonté toutes ces épreuves avec le temps, et l'on peut réaffirmer, aujourd'hui, comme il y a cinq ans, que notre République est plus forte que la haine.

En cette période de souvenir, les membres du groupe du RDSE ont voulu inscrire à l'ordre du jour du Sénat un débat consacré à la laïcité, garante de notre unité nationale. En effet, nous considérons que ce principe constitutionnel, propre à la France, a d'abord et avant tout contribué à l'émancipation individuelle en garantissant à chacun que son droit de croire ou de ne pas croire serait protégé par la loi et respecté par autrui. En cela, la laïcité, adossée à la loi de 1905, a contribué et continue encore à préserver l'unité de notre pays dans la paix et la concorde civile.

Comme je l'ai déjà dit à cette tribune, la France peut s'enorgueillir d'avoir fait des Lumières la source de son pacte républicain, contre tous les fanatismes, rassemblant nos concitoyens dans ce qu'ils ont de commun, par-delà leurs origines et leurs croyances, recherchant l'égalité des droits entre les individus, quelles que soient leurs particularités, leurs convictions religieuses ou leur place dans la société. La laïcité renforce les principes républicains de fraternité, d'égalité et de liberté. Un individu ne saurait être résumé à ses identités particulières. Nous refusons la tentation, à laquelle certains ont cédé, du repli sur une vision essentialiste de l'individu.

Avec les membres du groupe du RDSE, nous ne laisserons pas l'instrumentalisation de nos valeurs républicaines gagner les esprits au profit d'une vision communautariste de la société, quelle qu'elle soit, ou d'une radicalisation à des fins électoralistes et de division.

Il nous faut néanmoins nous interroger sur les raisons pour lesquelles des Français ont attaqué nos valeurs républicaines de la sorte. En aucun cas, le terrorisme n'a pour cause notre modèle républicain, qui serait supposément défaillant en raison de la laïcité. Ne nous trompons pas d'ennemi. La laïcité est bien un facteur de cohésion, de dialogue, de rassemblement de notre communauté nationale.

Dès le lendemain du 7 janvier 2015 a débuté l'examen de conscience nécessaire pour comprendre les racines du mal et ainsi mieux le combattre. Pourquoi, à rebours de la laïcité, certains choisissent-ils de s'enfermer dans une communauté, rejetant les principes de notre société, s'engageant sur la voie de la violence et de la radicalisation ?

En tant que parlementaires, sur ces travées du Sénat, nous avons pris et continuons à prendre notre part de responsabilité dans ce travail d'analyse pour contribuer à lutter contre une forme de radicalisation idéologique protéiforme qui voudrait abattre notre modèle de démocratie républicaine. Nous le faisons, par exemple, dans le cadre des commissions d'enquête, comme en 2015, avec celle consacrée à l'organisation et aux moyens de lutte contre les réseaux djihadistes en France et en Europe, ou celle que j'ai présidée en 2016 intitulée Faire revenir la République à l'école, ou encore, en 2018, celle consacrée à l'évolution de la menace terroriste après la chute de l'État islamique, mais aussi, actuellement, avec les travaux engagés sur la radicalisation islamiste et les moyens de la combattre, cette dernière commission étant présidée par notre collègue Nathalie Delattre.

À ceux qui interrogent notre modèle républicain, considérant en particulier que la loi de 1905 doit être modifiée, pointant du doigt la laïcité comme cause de certains de leurs maux ou cherchant à chaque occasion à l'instrumentaliser pour diviser davantage nos concitoyens selon leurs croyances ou leurs origines, notre groupe veut répondre clairement : la laïcité est avant tout garante de notre unité nationale en tant que facteur d'égalité entre individus, dans le respect qui leur est dû.

Les Français, tout comme nos voisins européens, se sécularisent davantage d'année en année. Des études le confirment régulièrement. Il nous faut donc tenir bon et préserver le principe de séparation de l'État et des cultes, qui garantit qu'aucune religion ne peut revendiquer sa supériorité à la loi commune des citoyens, ou encore l'obligation de neutralité des services publics et l'égalité des droits entre les individus, femmes et hommes.

C'est la raison pour laquelle, en tant que présidente de l'association Égale – égalité, laïcité, Europe –, fondée par notre ancien collègue Gérard Delfau, j'ai signé l'appel du 11 janvier lancé par le collectif laïque national pour appeler les Français à se rassembler à cette date dans toutes les villes de France. Les membres du groupe du RDSE, à leur tour, appellent toutes les citoyennes et tous les citoyens, partout où ils se trouvent et sans distinction d'origine, de sexe, d'appartenance religieuse ou philosophique, à se joindre à ce rassemblement, le 11 janvier prochain. Ensemble, nous pourrons réaffirmer : « Nous sommes Charlie, nous sommes la République ! »

Le groupe du RDSE, vous le savez, monsieur le ministre, a toujours placé la laïcité au frontispice de ses principes. Nous continuerons, quels que soient le sens du vent, les esprits chagrins ou les aboiements de la meute. Notre pays a aujourd'hui besoin d'apaisement et de sérénité. La laïcité doit en être un pilier essentiel. À cet effet, nous souhaitons pouvoir compter sur l'engagement du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et Les Indépendants, ainsi que sur des travées des groupes UC, Les Républicains et SOCR.)

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