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Débat portant sur "l'irresponsabilité pénale"

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Delattre. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

Mme Nathalie Delattre. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, en 1810, notre droit reconnaissait le principe d'irresponsabilité pénale pour les personnes atteintes de démence. Puis, 183 ans plus tard, en 1993, la loi définissait ce principe par l'article 122-1 du code pénal, en ces termes : « N'est pas pénalement responsable la personne qui était atteinte, au moment des faits, d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes. »

Ainsi, une stricte distinction théorique est établie entre l'abolition du discernement et l'altération du discernement ou l'entrave au contrôle de ses actes. Dans le premier cas, cela se traduit par la reconnaissance d'une irresponsabilité pénale pour l'auteur d'un crime ou d'un délit. Dans le second cas d'altération, la responsabilité pénale peut-être engagée, avec une adaptation des peines prononcées par le juge.

En effet, en France, si l'esprit des Lumières consacre l'individu comme son arbitre suprême, il reconnaît que certaines forces peuvent altérer son libre arbitre. Comment effectivement demander des comptes à une personne alors qu'elle n'est pas dans notre même réalité ? Comment concourir à la vérité si sa volonté a été altérée ?

En France, on ne condamne pas la démence, et le contraire serait inhumain. Mais, régulièrement, les décisions de justice heurtent le peuple et ce qui paraît à ce dernier être de bon sens. Dans la tragédie de l'affaire Sarah Halimi et de la décision de la cour d'appel de Paris relative à Kobili Traore, l'opinion publique exprime même une incompréhension morale.

Or la loi du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental visait justement à renforcer le droit des victimes, mais aussi des parties civiles, pour qu'au cours de cette procédure particulière, un effet de catharsis puisse s'opérer.

Ainsi, depuis 2008, le vocable a changé : on ne parle plus de « relaxe », « d'acquittement » ou de « non-lieu », mais bien « d'ordonnance d'irresponsabilité pénale ».

Dans le même temps, les victimes et leurs familles ont la possibilité de demander une audience devant la chambre d'instruction, où témoins et experts psychiatriques sont convoqués pour être entendus. Lorsque son état le permet, la personne mise en examen peut aussi assister, avec son avocat, à la déclaration de son irresponsabilité pénale.

Si cette audience a pu avoir lieu pour la famille de Mme Halimi, différents rassemblements populaires, à Paris, à Marseille ou ailleurs, continuent de réclamer « justice ». Et c'est non pas la clause de non-imputabilité tirée du trouble mental qui est remise en cause dans la rue, mais l'expertise psychiatrique qui a concouru à cette décision.

Il me paraît pourtant important de rappeler aujourd'hui, à l'occasion de ce débat, que le nombre de décisions d'irresponsabilité pénale est en forte diminution. Si la morale est sauve pour plusieurs observateurs, malheureusement, un grand nombre de personnes souffrant de troubles psychiques sont envoyées en prison plutôt qu'en hôpital psychiatrique, sans soins appropriés et sans réelle efficacité.

Le résultat est criant : un quart de la population carcérale présente des troubles psychotiques, et le taux de pathologies psychiatriques est de quatre à cinq fois plus élevé dans nos prisons que dans la population générale en France, selon l'Observatoire international des prisons.

Prison ou soins, telle semble être l'alternative, alors que les deux pourraient être utilement combinés, notamment dans des établissements adaptés, comme à Cadillac, en Gironde. Mais il faudrait prévoir pour cela un plan massif d'investissement.

Pour compléter les nombreux travaux parlementaires menés sur la question de l'irresponsabilité pénale, notamment le rapport d'information Prison et troubles mentaux, signé en mai 2010 par nos anciens collègues Mme Demontès et MM. Barbier, Lecerf et Michel, les commissions des lois et des affaires sociales ont souhaité confier à mon collègue Jean-Pierre Sol et moi-même la conduite d'une mission d'information sur l'expertise psychiatrique en matière pénale.

Aujourd'hui, l'expertise psychiatrique est le facteur déterminant dans la décision du juge de reconnaître ou non la responsabilité pénale d'une personne mise en cause. L'expertise psychiatrique joue le rôle de régulateur, ou plutôt d'arbitre, entre hôpital et prison. Il peut certainement y avoir meilleur arbitrage, meilleure articulation, meilleure prise en compte des attentes de chaque partie.

C'est pourquoi je profite de ce débat pour rappeler notre travail sénatorial partagé, qui en est actuellement au stade des auditions.

Mes chers collègues, la mission d'information vous fera des propositions concrètes et documentées dans le courant du mois de juin. En attendant, nous nourrirons nos travaux de ce débat utile que nous propose le groupe Union Centriste, plus précisément Nathalie Goulet, que je tiens à saluer tout particulièrement à cette tribune. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et UC.)

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