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Débat préalable à la réunion du Conseil européen des 25 et 26 mars 2021

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Guillotin. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur des travées du groupe UC. – M. le rapporteur général de la commission des finances, applaudit également.)

Mme Véronique Guillotin. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, d'après les statistiques du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies, 10,4 % des habitants de l'Union et de l'Espace économique européen avaient reçu une première dose de vaccin contre la covid-19 au 22 mars 2021. C'est bien en deçà des États-Unis, où un tiers de la population a désormais reçu une première injection.

C'est également moins que chez notre voisin le Royaume-Uni, où ce ratio atteint plus de 40 %, ou qu'en Israël, où il dépasse les 60 %.

Leurs habitants y redécouvrent la vie d'avant tandis que notre gouvernement est contraint, un an après le premier confinement, de resserrer la vis.

Au regard de ces chiffres, une évaluation du déploiement de la stratégie vaccinale européenne s'impose ; c'est un des points principaux de l'ordre du jour du Conseil européen des 25 et 26 mars prochains – vous l'avez longuement évoqué.

L'Europe de la santé n'existe pas encore, hélas. L'Union dispose néanmoins d'une compétence de santé lui permettant de mener des actions afin d'appuyer, de coordonner ou de compléter l'action des États membres. On peut donc se réjouir qu'elle ait mis en œuvre une approche centralisée pour répondre à la crise sanitaire, et en particulier pour garantir l'approvisionnement du continent en vaccins.

L'Union fait la force, dit-on : l'adage a en partie porté ses fruits, puisque les négociations menées en groupe nous ont permis de conclure des contrats à des prix avantageux. Ainsi le vaccin de Pfizer nous a-t-il coûté moins cher qu'au Royaume-Uni et qu'aux États-Unis.

Il ne faudrait toutefois pas que nous payions le prix fort de ces économies réalisées, celui d'un pays qui tourne au ralenti faute de livraisons dans les temps ! Sans vaccination massive, l'immunité collective – nous le savons bien – est impossible et une véritable reprise économique ne peut donc être envisagée à court terme.

Or, aujourd'hui, que constate-t-on ? Si la Commission européenne a commandé plus de 2 milliards de doses, les retards s'accumulent. Au 16 mars, seulement 69,5 millions de doses avaient été livrées.

C'est autour du contrat conclu avec AstraZeneca que les difficultés se cristallisent. Clairement, l'entreprise ne tiendra pas ses engagements. Comme vous le savez, mes chers collègues, la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, a exhorté le laboratoire à honorer les contrats de commande conclus avec l'Union avant de livrer d'autres pays, comme il le fait actuellement avec le Royaume-Uni. Le contrat entre l'Union et AstraZeneca prévoit la livraison de doses produites à la fois sur le territoire européen et sur le territoire britannique ; or les doses produites au Royaume-Uni ne sont pas livrées sur le continent.

Comme vous l'avez dit lors d'une intervention télévisée, monsieur le secrétaire d'État, l'Union européenne ne doit pas servir de « variable d'ajustement » pour les laboratoires pharmaceutiques.

Faudra-t-il donc, comme le suggère la présidente de la Commission, empêcher les doses de sortir du territoire européen si le fabricant anglo-suédois ne remplit pas ses obligations contractuelles ? Alors que nous avons adopté, en décembre dernier, un accord sur la relation future entre l'Union européenne et le Royaume-Uni, une escalade des tensions sur la question des vaccins serait un mauvais signe pour ladite relation.

En outre, si cette escalade aboutissait à des rétorsions sur nos importations, l'Union européenne pourrait être privée de composants que nous ne fabriquons pas. L'heure n'est donc pas à l'isolement, car il est vital que les chaînes d'approvisionnement demeurent ouvertes.

Ce problème nous renvoie d'ailleurs à celui, plus général, de la relocalisation de certaines industries en Europe. Le commissaire au marché intérieur, Thierry Breton, y travaille. Mon groupe est en tout cas favorable à une forte ambition européenne de réindustrialisation, gage de notre autonomie stratégique dans de nombreux domaines, notamment celui de la santé.

M. Bruno Sido. Très bien !

Mme Véronique Guillotin. En attendant, il est regrettable que, face au manque de doses de vaccins autorisés par l'Agence européenne des médicaments, certains États fassent le choix de conclure des contrats de commande parallèlement au dispositif de l'Union : la Hongrie, la Slovaquie, la Tchéquie ou encore la Pologne.

Je ferai deux observations.

Tout d'abord, ces choix sont préjudiciables à la valeur de solidarité qui est théoriquement au cœur du projet européen. Nous avons fait un grand pas, en juillet dernier, avec le plan de relance européen, en consacrant la solidarité financière entre États membres. Il ne faudrait pas que, dans cette course aux vaccins, les choix nationaux faits à l'est de l'Europe nous ramènent en arrière en posant une nouvelle fracture.

Viktor Orban n'en est pas à son premier bras de fer avec Bruxelles. Aussi, s'il assure que ce choix de faire cavalier seul est uniquement motivé par des nécessités sanitaires, il semble s'engouffrer dans la « diplomatie du vaccin » déployée par la Chine et par la Russie pour élargir leurs sphères d'influence respectives.

Ensuite, ces attitudes risquent de poser des difficultés si l'Union met bien en place son passeport vaccinal : pourra-t-on octroyer les mêmes libertés à tous sans discrimination ? Cela semble difficile, et cette situation pourrait peser sur la circulation des Européens au sein du continent.

S'agissant de libre circulation, j'en profite pour aborder celle des travailleurs transfrontaliers. Dans sa déclaration du 26 février dernier, le Conseil européen a affirmé qu'« il faut assurer la circulation sans entrave des biens et des services au sein du marché unique, y compris en recourant à des voies réservées aux points de passage frontaliers ».

L'Union affirme un principe, mais sa mise en œuvre demeure bel et bien du ressort des États membres. Depuis le classement, le 2 mars dernier, de la Moselle en zone à forte circulation des variants du virus, les transfrontaliers sont contraints de présenter un test PCR négatif toutes les quarante-huit heures afin de pénétrer sur le territoire allemand. Dans le même temps, les frontaliers allemands peuvent rejoindre le territoire français sans observer les mêmes contraintes. Je mesure bien, sur le terrain, la lassitude des 16 000 travailleurs frontaliers concernés.

Monsieur le secrétaire d'État, reconnaissons que l'Union est ici dans une posture difficile : la Commission a voulu jouer un rôle ambitieux dans la gestion de la crise mais semble rattrapée par la réalité de pouvoirs très limités en la matière.

Cette situation soulève une question de fond : les États membres doivent-ils se ressaisir des compétences déléguées à l'Union à l'occasion de cette crise, ou doit-on au contraire confier à l'Union des prérogatives plus importantes en matière de santé ?

Il nous faut en tout cas aujourd'hui apprendre des erreurs passées afin de continuer à gérer cette crise le mieux possible, et continuer à penser une Europe solidaire, au service de tous ses citoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur des travées des groupes UC et Les Républicains. – M. Didier Marie applaudit également.)

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