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Débat sur l'avenir institutionnel, politique et économique de la Nouvelle-Calédonie

M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 24 septembre 1953, à l'occasion du centenaire de la présence de la France en Nouvelle-Calédonie, si Louis Jacquinot, ministre de la France d'outre-mer, soulignait que, un siècle plus tôt, la France adoptait la Nouvelle-Calédonie en affirmant des droits sur cette terre, il savait aussi que ces droits comportaient des devoirs. C'est à l'un de ces devoirs que nous sommes d'autant plus confrontés que, pour notre part, nous estimons que la Nouvelle-Calédonie a pleinement sa place dans la République.

Car, aujourd'hui, l'espoir d'un régime qui se pérennise est de plus en plus proche, qu'il se poursuive avec la France ou qu'il se dirige vers l'indépendance. C'est la continuation de ce qu'avaient engagé, il y a trente ans, Jean-Marie Tjibaou et Jacques Lafleur : ce projet doit aller à son terme.

Le lien entre la France et la Nouvelle-Calédonie est le fruit d'une histoire coloniale souvent pesante et d'un processus de décolonisation laborieux.

Depuis les accords de Nouméa jusqu'au troisième référendum, qui pourrait avoir lieu d'ici à 2022, nous demeurons à la recherche d'un équilibre avec ce territoire aux antipodes de la métropole.

Les enjeux politiques et sociaux y sont particulièrement complexes et justifient pleinement qu'un débat soit consacré à ces questions, pour lesquelles chacun doit savoir faire preuve de prudence et de tempérance.

D'autant que la recherche d'équilibre se traduit également par des aspects précis et délicats, notamment d'un point de vue juridique.

Je souhaite évoquer en particulier l'équilibre de l'application, en Nouvelle-Calédonie, de deux régimes de droit inhérents, si l'on schématise, à l'existence de deux populations : celle des autochtones Kanaks et celle qui résulte du processus colonial.

Comme nous le savons, une partie du droit kanak originel continue d'être appliqué, notamment par le truchement du statut civil coutumier. De ce point de vue, la coexistence des systèmes juridiques et normatifs pose des difficultés concrètes.

Bien entendu, la loi organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, qui a suivi les accords de Nouméa est venue organiser l'articulation des droits coutumiers et du droit commun.

Il n'en reste pas moins que les dispositions de cette loi ne résolvent pas pleinement les questions pratiques qui se posent aux autorités coutumières. Leur complexité est telle que les quelques articles de notre législation permettent mal aux juridictions de faire face à ce que l'on peut qualifier d'une crise de juridicité de la coutume.

Voilà donc l'une des problématiques fondamentales à laquelle se confronte la sortie des accords de Nouméa. En plus des enjeux politiques et institutionnels, le choix de l'indépendance ou du maintien devra aussi tenir compte de cette dimension juridiquement concrète.

Quelle que soit la solution retenue, qu'adviendra-t-il du droit commun, du droit coutumier et de ce qui a déjà été acquis dans leur articulation ?

Certaines avancées ont déjà eu lieu. Ainsi, le Sénat coutumier de Nouvelle-Calédonie a adopté en 2011 une délibération sur un cadre de résolution des conflits en milieu coutumier, qui vise à s'appliquer avant que le conflit ne dépasse le terrain coutumier pour gagner le terrain judiciaire et pénal.

Il reste néanmoins du chemin à parcourir pour aboutir à un système pérenne, que soit choisie la voie du maintien ou celle de l'indépendance.

Par ailleurs, si essentielle soit-elle, cette question de l'indépendance tend parfois à mettre un voile sur d'autres difficultés que rencontre la Nouvelle-Calédonie. Je pense, par exemple, à certaines problématiques matérielles liées aux infrastructures du réseau routier, qui ont souffert et souffrent toujours du passage de la dépression tropicale Lucas au mois de février dernier.

Durant plusieurs mois, des routes furent barrées ou endommagées, compliquant significativement la vie quotidienne de nos concitoyens. Les services techniques sont débordés et peinent encore à répondre à toutes les demandes.

Je n'évoque pas ces questions par goût de l'anecdote, mais parce qu'elles sont susceptibles d'affecter la qualité du débat démocratique engagé depuis plusieurs années et qui devrait se poursuivre encore. Je veux souligner d'ailleurs que le Sénat doit prendre toute sa place dans le processus. Nous devrons rester mobilisés pour nous prononcer sur l'évolution de la Nouvelle-Calédonie après les échéances que nous connaissons.

Au fond, le choix de l'indépendance ou du maintien dans la France ne suffira pas à résoudre certaines difficultés structurelles et économiques. Les référendums ne réparent pas les routes et les ponts ; se rendre aux urnes ne suffit pas à éteindre les difficultés…

Aussi, je conclurai mon intervention en formulant le souhait que la France, tout en respectant l'expression démocratique dans laquelle le Gouvernement est pleinement investi – je m'en félicite –, poursuive son soutien à la Nouvelle-Calédonie afin que cette dernière accède à davantage de sérénité tant politique, qu'économique et sociale.

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