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Débat sur le thème :« Lutte contre les violences faites aux femmes et les féminicides : les moyens sont-ils à la hauteur ? »

Mme Maryse Carrère. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, comment ouvrir ce débat sans avoir une pensée pour les 113 femmes tuées par leur compagnon ou ex-compagnon en 2021, ainsi que pour les 13 femmes déjà victimes d’un féminicide en 2022 ?

Ce décompte doit encore et toujours nous alerter sur la réalité des violences faites aux femmes. Aussi, je tiens à remercier le groupe CRCE d’avoir inscrit à l’ordre du jour ce débat, dont l’organisation prouve une nouvelle fois l’importance que le Sénat accorde à ces questions – en témoignent également les travaux de la délégation aux droits des femmes ou encore de nombreux rapports d’information, comme celui que nos collègues Éric Bocquet et Arnaud Bazin ont rendu en juillet 2020.

La question qui nous est posée aujourd’hui est de savoir si les moyens dévolus à la lutte contre les violences faites aux femmes sont à la hauteur. Ma réponse sera nuancée.

D’un point de vue juridique, on peut estimer que les moyens consacrés à cette politique, qui permettaient déjà de sanctionner les violences faites aux femmes, ont été complétés ces dernières années, comme nous le souhaitions. Je pense au projet de loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, adopté en 2018, ou encore aux diverses propositions de loi déposées au Sénat.

Cet arsenal juridique est-il cependant suffisant pour prévenir, combattre et éviter les violences faites aux femmes ? Je ne le pense pas.

Tout d’abord, le principe de réalité nous rattrape : le nombre de ces violences est en constante augmentation – les seules violences sexuelles ont augmenté de plus de 30 % en une année. Quand bien même cette hausse serait due à la libération de la parole, elle demeurerait indéniable, et chaque violence est une violence de trop.

Dans les Hautes-Pyrénées, près de 220 faits de violences sexuelles ont été recensés en 2021, contre 90 en 2020, le plus souvent au sein de la structure familiale.

Ensuite, l’arsenal juridique reste insuffisant, car il existe encore des failles, pour ce qui est notamment de la prise en compte de la parole des victimes. En 2019, selon l’inspection générale de la justice, 80 % des plaintes concernant ce type de violences ont abouti à un classement sans suite, de quoi laisser penser qu’une part d’impunité demeure…

Souvenons-nous de Chahinez Daoud, brûlée vive par son ex-mari : celui-ci avait bénéficié d’une sortie de prison anticipée malgré les plaintes pour menaces de mort qu’elle avait déposées.

Aussi est-il nécessaire de mieux motiver le classement sans suite des affaires, mais aussi de raccourcir le délai de traitement de ces plaintes. Ce sont bel et bien, à cet égard, des moyens humains et financiers qui doivent être mobilisés ; j’axerai la suite de mon propos sur ce point.

Le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes préconise qu’une enveloppe de 1 milliard d’euros soit allouée à cette politique. Je suis consciente qu’une telle somme ne réglera pas le problème des violences faites aux femmes d’un coup de baguette magique. Mais elle doit permettre d’assurer dans l’immédiat un meilleur accueil des femmes victimes de violences, ainsi qu’une meilleure sensibilisation à leur situation.

Si des efforts ont été réalisés en matière d’accueil, il est nécessaire de créer des places d’hébergement supplémentaires, notamment dans les établissements d’accueil sécurisé mère-enfant, pour les cas où le maintien à domicile est rendu impossible.

Un énorme travail de maillage reste à faire également pour ce qui est des médecins légistes effectuant, après un viol, l’examen de la victime. J’en prends pour preuve deux exemples scandaleux issus de mon département : celui, premièrement, de cette enfant violée à plusieurs reprises, que l’on refuse d’examiner dans les Pyrénées-Atlantiques, à 25 kilomètres de Tarbes, sous prétexte qu’elle n’est pas originaire de ce département, le procureur devant intervenir pour qu’elle puisse être enfin examinée.

Deuxième cas : celui de cette femme, renvoyée de l’institut médico-judiciaire de Pau, que les policiers de Tarbes finiront par conduire à Toulouse, à 190 kilomètres de là.

Il y a là autant de situations qu’il faut éradiquer si l’on prétend faire de la lutte contre les violences sexuelles et sexistes la grande cause du quinquennat.

Ne pourrait-on pas réfléchir, plus profondément, à la première des réponses à fournir : quel accueil médical et psychologique réserve-t-on aux victimes ? Que proposons-nous, dans cette perspective, pour renforcer le maillage du territoire en unités médico-judiciaires (UMJ) ?

À la question de savoir si les moyens accordés à la lutte contre les violences faites aux femmes sont à la hauteur, je ferai pour conclure la réponse suivante : s’il y faut certes davantage de moyens humains et financiers, ladite lutte ne saurait se réduire à cette dimension. Il faut également éduquer, sensibiliser et s’assurer de l’efficacité de la réponse juridique et pénale que nous apportons. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et RDSE, ainsi que sur des travées du groupe SER. – Mme Annick Billon et M. Daniel Chasseing applaudissent également.)

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