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Projet de loi confortant le respect des principes de la République

 Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Delattre.

Mme Nathalie Delattre. « Beaucoup s'excusent d'être les représentants de la démocratie en France, beaucoup s'excusent d'avoir raison, beaucoup s'excusent de respecter la loi et oublient que, sans la laïcité, on ne serait peut-être pas là à discuter tranquillement » C'est par ces mots, madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, que Charb entamait son discours de remise du prix 2012 de la laïcité, décerné à notre ancienne collègue Françoise Laborde.

Il poursuivait ainsi : « Et j'ai moins peur des extrémistes religieux que des laïques qui se taisent. » Il y eut un tonnerre d'applaudissements, à l'époque, avant que le silence ne reprenne sa place et que la dénégation ou le manque de courage ne fassent leurs ravages.

Car, malgré le choc des attentats de 2015 et la disparition de tant d'innocents, dont le dessinateur, petits arrangements et contournements ont repris de plus belle. Nous avons laissé s'exprimer, certes parfois en s'agitant mais jamais assez fort, ceux qui disent qu'après tout ils l'ont bien cherché avec leurs caricatures. Nous avons laissé dire ceux qui affirment que l'engagement de nos troupes militaires à l'étranger est une provocation permanente. Nous avons laissé dénoncer ceux qui prétendent que nos lois sont finalement liberticides et islamophobes.

Nous avons permis à ces bruits de fond de parasiter depuis des années notre société et à ces attaques insidieuses et pernicieuses de saper notre modèle laïque.

La sentence tombe tel un couperet : comme moi, vous avez découvert, atterrés, les conclusions de l'enquête IFOP pour la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (Licra). Les résultats sont implacables : nos jeunes sont majoritairement favorables à l'expression de la religiosité dans l'espace public et hostiles à la liberté de la critique des religions. Combien d'entre eux sont persuadés que le blasphème est un crime en France ? Comment en sommes-nous arrivés là ?

En consacrant la séparation des Églises et de l'État, la loi du 9 décembre 1905 a fondé notre ordre démocratique, forgé notre pacte républicain et étayé notre devise à l'équilibre si fragile. Pourtant, la défendre aujourd'hui c'est mettre sa vie en danger. Nous l'avons subi avec de trop nombreux crimes jusqu'à l'assassinat récent de Samuel Paty, professeur des collèges.

Depuis ce drame, le Président de la République a enfin amorcé la sortie de ce long déni collectif politique et intellectuel. Mais combien d'années se sont écoulées avant de nommer l'ennemi et l'identifier correctement ? On nous a parlé de terrorisme, de communautarisme, de radicalisme et maintenant de séparatisme. Or le définir, c'est le connaître, le suivre et lutter contre le cœur de son action.

C'est la mission sénatoriale que nous avons entreprise, dès novembre 2019, au sein de la commission d'enquête sur la radicalisation islamiste et les moyens de la combattre, révélée comme courageuse par nombre de journalistes. Aux côtés de la rapporteure Jacqueline Eustache-Brinio, que je salue, j'ai eu l'honneur de présider ces travaux visant à susciter une prise de conscience rapide et clairvoyante.

Notre objectif partagé était de démontrer l'ampleur du phénomène de radicalisation au-delà de ses seules manifestations violentes. Nous avons mené plus de soixante heures d'auditions pour identifier consciencieusement les dérives observées sur notre territoire, sans préjugé ni tabou.

Face à l'urgence, nous avons éclairé les secteurs devant faire l'objet d'une vigilance particulière comme l'enseignement, le monde associatif ou encore sportif, dans lesquels la pression séparatiste est forte. Nous retrouvons ces secteurs dans ce texte, même si force est de constater que notre école publique et nos établissements d'enseignement supérieur ont été ici quelque peu mis de côté. Je salue donc les amendements portés par la commission de la culture et de l'éducation pour corriger cet écueil.

Il est toutefois regrettable, monsieur le ministre de l'éducation, que vous ayez déporté le débat sur l'instruction en famille (IEF). En stigmatisant l'IEF, vous avez choqué des milliers de parents qui ont fait ce choix alors qu'ils ne remettent pas en cause notre pacte républicain. Les priver de cette liberté, c'est faire le jeu des islamistes et les laisser remporter une victoire de plus.

Permettez-moi de vous rappeler que, dès février 2019, j'ai déposé – vous le savez – une proposition de loi, qui fut portée par amendements lors de la loi pour une école de la confiance aux fins de combattre les dérives que vous dénoncez depuis peu. Ces amendements visaient à améliorer l'identification via l'identifiant national élève (INE) généralisé, le contrôle et le suivi de ces enfants, sans entraver la liberté de choix d'instruction des parents. Vous les aviez balayés et, aujourd'hui, vous vous en inspirez. Nous avons perdu deux ans.

Il est également difficile de ne pas souligner l'absence de mesures adressées au monde économique, qui fait pourtant face aux mêmes problématiques. Pour preuve, le nombre de saisines de la Défenseure des droits témoigne de la dégradation de l'ambiance dans nos entreprises.

Je regrette aussi que nos élus locaux n'aient pas bénéficié d'un arsenal de mesures dédiées pour les accompagner dans la gestion des relations avec les représentants religieux et mettre fin à toute forme d'accommodement local.

Des 44 propositions contenues dans notre rapport sénatorial publié le 7 juillet dernier, de très nombreux dispositifs ont été transposés dans votre projet de loi. Pourtant, à aucun moment, messieurs les ministres, vous n'avez évoqué notre commission d'enquête à l'Assemblée nationale – j'ai lu l'ensemble des comptes rendus. Je le déplore et, pourtant, je ne peux ici que me réjouir que nos travaux aient pu s'incarner dans ce texte, faute d'avoir été salués. Je pense à des mesures comme le renforcement de la police des cultes, l'alignement des statuts légaux et fiscaux des lois de 1901 et de 1905, le prérequis d'une charte pour le versement de subventions, le régime de déclaration des apports de ressources étrangères, etc.

Je remercie également la commission des lois d'avoir adopté des dispositifs complémentaires défendus par la commission d'enquête : la dissolution administrative d'associations placée sous le contrôle du juge administratif ; l'intégration du sexe ou de l'orientation sexuelle dans le champ des motifs de dissolution, ce qui devrait permettre de viser des structures soutenant la lapidation des femmes ou la mise à morts de personnes homosexuelles ; le renforcement des sanctions en cas d'atteinte à la liberté d'exercer un culte ; ou le dispositif visant à mieux protéger les conjoints et les mineurs.

Il convient d'aller plus loin encore. Fervent défenseur des acquis de la loi 1905, le RDSE présentera, tout au long des débats, de nombreux amendements visant à préserver cet héritage et faire de la laïcité notre meilleure arme contre le radicalisme religieux : pour que notre pacte commun en sorte réaffirmé, que notre socle de valeurs s'en trouve consolidé et qu'enfin seules les lois de la République prévalent ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées des groupes RDPI, INDEP, UC et Les Républicains.)

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