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Projet de loi de finances pour 2020 : mission "justice"

Mme la présidente. La parole est à Mme Josiane Costes, rapporteure pour avis.

 

Mme Josiane Costes, rapporteure pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Madame la présidente, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, je m'exprime pour commencer en remplacement de M. Alain Marc, qui est désolé de ne pouvoir être présent ce soir.

« Les crédits de l'administration pénitentiaire progressent en 2020 de 5,6 %, à périmètre constant, ce qui constitue une augmentation appréciable dans une période où l'évolution des dépenses publiques est très contrainte.

« Comme l'a expliqué Mme la garde des sceaux, cette hausse des crédits permettra de financer la création d'un millier d'emplois et de poursuivre le programme de construction de nouvelles places de prison, dans l'objectif de livrer 7 000 places d'ici à la fin de l'année 2022. Elle permettra aussi d'achever la montée en puissance du nouveau service national du renseignement pénitentiaire, créé en 2019, et de compléter les recrutements pour la nouvelle Agence du travail d'intérêt général et de l'insertion professionnelle des personnes placées sous main de justice.

« Toutefois, la commission des lois ne peut que regretter l'écart entre ce projet de budget et la trajectoire fixée par la loi du 23 mars 2019 de programmation et de réforme pour la justice : il manque environ 150 millions d'euros, alors que notre commission avait déjà jugé la programmation budgétaire insuffisante au regard de l'ampleur des besoins.

« Le Gouvernement justifie cet ajustement à la baisse par le retard pris dans la mise en œuvre du programme immobilier de l'administration pénitentiaire. À l'approche des élections municipales, il deviendrait difficile d'obtenir l'accord des maires pour choisir le lieu d'implantation des futurs établissements. »

M. Vincent Éblé. C'est toujours la faute des autres !

Mme Josiane Costes, rapporteure pour avis. « Il est vrai que nos concitoyens peuvent exprimer des réticences à l'idée que des personnes soient incarcérées près de leurs lieux d'habitation, ce qui pose notamment un problème pour les structures d'accompagnement vers la sortie (SAS), que vous souhaitez, à juste titre, implanter en centre-ville, près des services publics et des entreprises afin de faciliter la réinsertion des détenus.

« Notre commission estime cependant que ces difficultés étaient parfaitement prévisibles et qu'elles auraient donc pu être anticipées. Elle considère également que ces 150 millions d'euros, s'ils avaient été inscrits dans le budget, auraient pu être utilisés pour financer de petits travaux de rénovation ou pour l'achat de matériels et d'équipements, ce qui aurait permis d'améliorer les conditions de travail du personnel ou de renforcer plus rapidement la sécurité des établissements pénitentiaires, qui reste pour nous un sujet de préoccupation constant.

« Enfin, la commission des lois s'interroge sur la capacité du Gouvernement à livrer les 7 000 places dans le délai prévu, alors que l'Agence pour l'immobilier de la justice rencontre des difficultés pour recruter et fidéliser des professionnels qualifiés.

« C'est pour cet ensemble de raisons que la commission des lois a émis un avis défavorable sur l'adoption des crédits de l'administration pénitentiaire pour 2020. Nous ne sous-estimons pas le chemin parcouru depuis quelques années, mais il nous semble que l'incapacité du Gouvernement à respecter, dès la première année, la trajectoire budgétaire qu'il avait lui-même fixée montre que l'effort réalisé n'est pas encore tout à fait à la hauteur des enjeux. »

J'en viens maintenant aux crédits du programme 182, « Protection judiciaire de la jeunesse », sur lesquels je m'exprime en mon nom propre, et sur lesquels la commission des lois a émis un avis favorable.

Ce programme dote la protection judiciaire de la jeunesse d'un budget de 736,6 millions d'euros, hors pensions, soit une augmentation de 2,3 % par rapport à 2019. Il est marqué par la mobilisation pour préparer les réformes votées et à venir, surtout celle de l'ordonnance de 1945 relative à la justice des mineurs, dont l'entrée en vigueur est prévue au 1er octobre 2020.

L'un des objectifs premiers de cette réforme est la réduction des délais de jugement des mineurs.

Pour mettre en œuvre cette mesure, le projet de budget prévoit la création de 70 équivalents temps plein, permettant de pourvoir 94 postes d'éducateurs, 24 postes étant créés pour faire suite à redéploiement. Par ailleurs, 5 emplois sont créés, également par redéploiement, pour favoriser la participation de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) aux internats tremplins. Ce qui est très positif.

Hors personnel, le budget de la PJJ continue sa progression entamée il y a trois ans, avec une augmentation de 3%. Cette augmentation se répartit entre le secteur associatif habilité (SAH), dont le rôle est croissant, et le secteur public.

Si l'on ne peut que se féliciter de ces augmentations qui paraissent nécessaires au moment où la PJJ recrute, et ce avec difficulté, de plus en plus d'éducateurs contractuels, on peut s'interroger sur les orientations retenues à moyen terme. En effet, la création de postes d'éducateurs dans le projet de budget correspond à un renforcement du secteur ouvert, mais le contexte général est celui d'un recours accru au secteur fermé, c'est-à-dire privatif de liberté pour les mineurs. Il me paraît donc essentiel d'insister sur le fait que l'importance accordée aux centres éducatifs fermés comme structures et au secteur associatif habilité comme opérateur ne doit pas aboutir à détourner la PJJ de sa vocation première, à savoir l'éducation et l'insertion des jeunes en danger en s'appuyant sur les compétences des éducateurs spécialisés et en milieu ouvert.

J'en viens maintenant au sujet que la commission des lois a traité cette année : l'incarcération des mineurs.

En juin dernier, un pic de 894 mineurs incarcérés a été atteint, renouant avec les chiffres de la fin des années 1980. Au total plus de 3 000 mineurs sont incarcérés chaque année. Une catégorie de jeunes en particulier, les mineurs non accompagnés, est surreprésentée en prison. Ils occupent un tiers des places pour mineurs de Fleury-Mérogis. Il faudra, madame la ministre, nous pencher sur le traitement pénal dont ils font l'objet.

Mes déplacements m'ont conduite à étudier plus particulièrement la situation de l'Île-de-France. Cette région, qui est celle qui compte le plus grand nombre de mineurs incarcérés, nécessite la création d'un nouvel établissement carcéral pour mineurs. Vous nous avez indiqué, madame la garde des sceaux, que l'établissement de Meaux-Chauconin qui avait été initialement conçu comme un établissement pour mineurs sera simplement doté d'un nouveau quartier pour mineurs. Cela signifie que le taux d'encadrement sera moindre. C'est un choix décevant au regard des besoins des mineurs en termes d'accompagnement, d'éducation et d'aide à l'insertion.

Mme la présidente. Veuillez conclure, ma chère collègue.

Mme Josiane Costes, rapporteur pour avis. On ne peut, en revanche, que se féliciter que le quartier pour mineur de Fleury-Mérogis bénéficiera d'un bâtiment propre, même si tout reste à construire.

Pour conclure sur ce point précis des mineurs détenus, les efforts en termes d'éducation doivent être accentués, ce qui relève de l'éducation nationale. La PJJ doit trouver pleinement sa place en milieu carcéral, notamment dans les établissements pour mineurs afin d'assurer la continuité de la prise en charge des jeunes pour lesquels l'incarcération doit rester une mesure exceptionnelle. (Mme Françoise Laborde applaudit.)

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