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Projet de loi de finances rectificative pour 2020

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty.

 

M. Jean-Marc Gabouty. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, un petit virus qui se transforme en pandémie et qui met à genoux en quelques mois nos organisations sociales et l’économie mondiale, cela témoigne de l’extrême fragilité de nos sociétés, voire de notre civilisation.

Face à cette crise sanitaire inédite, par son mode de diffusion plus, peut-être, que par sa gravité, le Gouvernement, comme dans de nombreux pays touchés, se trouve dans l’obligation de réagir dans l’urgence.

À cet égard, je tiens à saluer la réactivité dont il a fait preuve ces derniers jours en prenant des mesures d’application immédiate de prise en charge du chômage partiel et de report du paiement des charges sociales et fiscales au 15 mars.

L’économie française va être confrontée à un double choc : un choc de la demande, sans doute suivi d’un choc de l’offre. Elle doit faire face à un niveau d’incertitude élevé quant à la durée et à la persistance des effets de ces chocs dans le temps.

À l’échelon macroéconomique, le Gouvernement prévoit une chute du PIB au premier semestre avec un rebond au deuxième semestre, ce dernier relevant de l’hypothèse plutôt que de la certitude.

Bien sûr, les dépenses budgétaires vont augmenter et les recettes diminuer, le déficit public et l’endettement vont s’accroître. Ce scénario est inévitable pour l’année 2020. Les chiffres qui nous ont été communiqués aujourd’hui ne peuvent avoir qu’un caractère provisoire et me semblent, d’ailleurs, relever d’une approche un peu, peut-être trop, optimiste. Peu importe : nous serons amenés à les revoir de manière mieux documentée dans les semaines et les mois à venir.

L’important, ce sont les mesures prises pour faire face à une crise économique naissante qui risque de se répandre à la même vitesse que le coronavirus lui-même. Notre appareil économique est en effet menacé d’affaiblissement, voire, dans certains secteurs d’activité, de destruction.

Les mesures annoncées en faveur des entreprises et des salariés vont dans la bonne direction, mais leur efficacité dépendra de la déclinaison qui en sera faite, secteur d’activité par secteur d’activité, entreprise par entreprise.

Elles doivent à la fois traiter le présent et préparer l’avenir, être souples et adaptées dans leur mise en œuvre, tout en préservant des conditions équitables de concurrence.

Les facilités accordées aux entreprises ne doivent pas consister en un décalage de quelques mois du paiement des charges sociales et fiscales ; ce paiement doit être suspendu pendant la période de confinement, augmentée d’une période de redémarrage, et faire ensuite l’objet d’un amortissement dans la durée sur six, douze, vingt-quatre ou trente-six mois, suivant les situations au cas par cas. C’est ce que pratique habituellement la commission des chefs de services financiers (CCSF) pour les entreprises rencontrant des difficultés temporaires, voire structurelles.

Je pense à cet égard que vous avez fait en sorte de renforcer cette instance, monsieur le ministre, parce qu’elle va être fortement sollicitée au cours des semaines et des mois à venir.

Le dispositif exceptionnel de garantie permettant de soutenir le financement bancaire des entreprises à hauteur de 300 milliards d’euros est un excellent outil, dès lors que sa mise en œuvre est contrôlée par un opérateur public, en l’occurrence Bpifrance, les banques ne devant jouer, à mon sens, qu’un rôle de guichet instructeur et de trésorerie.

Vous venez de déclarer, toutefois, monsieur le ministre, que ces dernières devaient complètement jouer leur jeu. Néanmoins, il ne faut pas trop leur laisser la main, parce qu’il ne faudrait pas qu’elles détournent l’esprit de cette mesure pour garantir des prêts ordinaires dans ce dispositif. Je fais plus confiance à Bpifrance qu’à l’ensemble du secteur bancaire à ce sujet. Celle-ci doit d’ailleurs pouvoir intervenir directement en capital. Je dis cela parce que c’est elle qui a été la plus efficace dans le préfinancement du dispositif de diminution des charges.

Il convient cependant de donner à ce mécanisme un caractère structurant de quasi-fonds propres pour financer durablement les besoins en fonds de roulement des entreprises, dans l’attente du retour à des résultats consolidés positifs. Ce n’est pas, en effet, parce qu’une entreprise voit sa situation devenir positive après une période de difficultés que, de manière consolidée, à plus long terme, elle sera à l’aise en fonds propres et en trésorerie. Une durée de trois à cinq ans me paraît assez bien adaptée, comme autrefois pour les prêts participatifs spéciaux des années 1980 et 1990, lesquels avaient vocation à financer du fonds de roulement.

Quant aux prêts bancaires en cours de remboursement, encore une fois, un simple report de quelques mois des échéances n’est pas significatif. Une telle mesure offre, certes, un bol d’air à court terme, mais on ne peut pas faire face à deux échéances ensuite, alors que l’activité vient juste de redémarrer. Il est préférable de prévoir une période blanche de remboursement en capital et un allongement équivalent de la durée du remboursement du prêt.

Enfin, je veux attirer votre attention sur la nécessité de préserver une équité de concurrence entre les entreprises, en particulier dans le secteur de la distribution. On ne peut pas imposer la fermeture des commerces de proximité et autoriser les grandes surfaces et les plateformes en ligne à commercialiser les produits que ceux-ci n’ont plus la possibilité de vendre, tels que les livres, l’habillement, les jeux, le mobilier, etc. Il ne faudrait pas que l’État donne lieu involontairement à une situation de concurrence déloyale, qui provoquerait la disparition rapide de milliers de commerces individuels et aggraverait encore la désertification de nos centres-villes. Sur ce sujet, il faut réagir vite, monsieur le ministre, et établir des règles.

Telles sont les quelques réflexions ou contributions que je voulais vous livrer, au-delà de l’aspect purement budgétaire, qui est essentiel, mais dont l’urgence est peut-être moins grande que la mise en œuvre de mesures de soutien destinées à sauver notre économie.

Même si nous allons examiner quelques amendements, lesquels, s’ils peuvent présenter un intérêt, ne sont peut-être que des amendements d’appel, je souhaite que ce texte puisse être voté conforme : cela constituerait le meilleur encouragement que nous pourrions adresser à nos entreprises et à leurs salariés.

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