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Projet de loi de finances rectificative pour 2020

M. le président. La parole est à M. Yvon Collin.

M. Yvon Collin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en mars dernier, le Président de la République annonçait une France « en guerre ». Aujourd’hui, l’ennemi invisible est moins prégnant, mais toujours menaçant, tandis qu’une bataille reste à gagner : celle de l’emploi. Elle en cache d’autres : la bataille de la justice sociale et la bataille des territoires.

Le Premier ministre l’a rappelé ce matin, la crise de la covid a accentué certaines fractures au sein de notre modèle économique et social.

L’urgence sanitaire demeure, et une deuxième vague est possible dans notre pays. C’est dans ce contexte sanitaire incertain qu’il nous faut relancer l’économie dans les prochains mois. L’équation n’est pas facile : l’incertitude affecte l’indice de confiance du côté tant des ménages que des entreprises. Aussi, le succès de la relance sera conditionné à la capacité de l’exécutif de dynamiser en même temps l’emploi, l’investissement et la consommation.

À ce stade, les « airbags » jouent leur rôle. Toutes les mesures de soutien mises en place par le Gouvernement aident notre économie à surmonter le choc du confinement, du moins à court terme.

Regardons le recours au chômage partiel. Il a permis de protéger les ménages en limitant la chute de leurs revenus à 3,2 % pendant le confinement, alors qu’au même moment le revenu national baissait de près d’un tiers, selon l’Insee. Le soutien au pouvoir d’achat, au travers du dispositif d’activité partielle, a ainsi permis à la consommation des ménages de rebondir plus fortement que prévu : en juin, l’activité économique a déjà comblé près des trois cinquièmes de l’écart qui la séparait, au pic du confinement, de son niveau d’avant la crise.

Pour autant, l’épargne reste forte, trop forte. Chiffrée à près de 80 milliards d’euros début juillet, elle oblitère le potentiel de consommation. Il faut donc absolument la déconfiner, afin qu’elle ne se transforme pas en épargne de précaution. Des mesures doivent mises en œuvre pour en flécher une partie vers la consommation et l’investissement. L’article 4 du projet de loi de finances rectificative sur le déblocage de l’épargne retraite est un bon début…

Quant aux outils de soutien à la liquidité des entreprises, ils ont également fait leurs preuves. Avec 105 milliards d’euros de prêts garantis par l’État, la France est le pays européen dans lequel cette forme de soutien a été la plus fortement mobilisée ! Ce volume important a certainement contribué à repousser le risque d’une grande vague de faillites, en permettant aux entreprises d’étaler l’incidence du confinement.

Cependant, comment contenir les plans sociaux qui pourraient se présenter dès l’automne ? Le Président de la République l’a plusieurs fois déclaré : « La rentrée sera difficile. »

En effet, en dépit de ces mesures de soutien, les pertes de revenus des entreprises restent très importantes : 54 milliards d’euros entre les mois de mars et de juillet. Une demande insuffisante, je l’ai dit, et la contraction de l’économie mondiale vont durablement peser sur l’activité.

Soyons réalistes : pour faire face à cette récession sans précédent et afin que les difficultés conjoncturelles ne se transforment pas en crise durable, la France devra consentir un effort public soutenu et encore plus important. C’est l’objet de ce troisième projet de loi de finances rectificative, qui, tout en assurant la continuité des mesures précédentes, a le mérite de cibler les secteurs les plus touchés.

Comme on le sait, les conséquences du confinement sont dramatiques sur l’aéronautique, le tourisme et la culture. Par rapport à d’autres pays européens, nous sommes là face à une vraie difficulté, car les avantages comparatifs de la France se situent dans des secteurs structurellement plus exposés aux effets de la fermeture des économies mondiales. Alors, comme l’a souligné avec pertinence la commission des finances, ce soutien sera-t-il suffisant au regard des enjeux que représentent ces secteurs, dont le poids est fondamental pour notre économie et l’équilibre de nos territoires ?

La dégringolade, au fil des budgets rectificatifs, de la prévision de croissance pour 2020 témoigne de la spécificité française. Alors qu’elle était initialement fixée à -1 % du PIB, le Gouvernement l’estime désormais à -11 %, ce qui fait de la France un des pays les plus touchés, avec l’Italie, au sein de la zone euro.

Nous connaissons les conséquences implacables de cette contraction : une hausse massive du déficit conjoncturel par rapport aux projections de la loi de finances initiale, soit une baisse de 7,1 points de PIB, une dette publique qui pourrait atteindre les 121 % d’ici à la fin de l’année. Ces chiffres nous auraient horrifiés il y a seulement quelques mois. Mais, partout au sein de la zone euro, la ligne rouge a été franchie dans un contexte – je le rappelle – où la règle européenne qui fixe le niveau d’endettement à 60 % du PIB maximum est devenue obsolète.

Le risque d’effondrement économique a pris l’avantage sur la question de la dette et la sacro-sainte orthodoxie budgétaire. Pouvons-nous faire autrement ? Je ne le crois pas et mon groupe vous soutient, monsieur le ministre, dans cette direction, pourvu qu’elle soit provisoire.

Mais dans cette entreprise de remobilisation économique, nous avons besoin de tous les leviers. Je pense aux collectivités locales qui n’ont pas ménagé leur peine pour prendre le relais de l’État à bien des égards, quand celui-ci s’est parfois révélé insuffisant, voire défaillant. Le projet de loi de finances rectificative les met à contribution en leur permettant de soutenir les TPE et PME, notamment au travers du dégrèvement exceptionnel de cotisation foncière des entreprises (CFE). Soyons cependant vigilants quant à la compensation de leurs recettes fiscales, car nos collectivités locales vont jouer un rôle fort d’amortisseur social dans les mois qui viennent, ce qui implique le maintien de leurs moyens budgétaires.

Monsieur le ministre, vous le savez, les régions s’inquiètent du projet de baisse de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, même si l’on peut comprendre le principe d’un allégement des impôts de production.

Mes chers collègues, nous examinons ce projet de loi de finances rectificative alors que se profile déjà un nouveau plan de relance annoncé par le Président de la République, et relayé par le Premier ministre. Doté d’au moins 100 milliards d’euros, un programme de cette ampleur nous permet de mieux envisager l’avenir et de rendre de l’espoir à tous les acteurs économiques. Je pense en particulier aux jeunes : ils doivent entendre autre chose que la promesse d’un horizon de dettes qui s’amoncellent.

Comme vous le savez, ils seront près de 700 000 en septembre à postuler à un emploi ! Le dispositif exceptionnel d’exonération des charges jusqu’à 1,6 SMIC annoncé me semble tout à fait intéressant et essentiel à l’insertion de la jeunesse qui entre sur un marché du travail en pleine récession. Cependant, peut-être pourrons-nous aller un peu au-delà de ce seuil, de façon à toucher également les diplômés de l’enseignement supérieur. Nous en reparlerons…

Pour finir, je rappellerai l’entier soutien du RDSE au plan de relance européen Next Generation EU, pas seulement parce qu’il pourrait profiter à la France à hauteur de 40 milliards d’euros, mais parce qu’il concrétise un effort de solidarité, au travers d’une forme de mutualisation des dettes, nécessaire à la cohésion de l’Union européenne. Il reste à souhaiter que tous les États membres en soient convaincus pour que ce plan soit rapidement mis sur pied ; nous le souhaitons ardemment.

En attendant, mes chers collègues, nous examinerons avec bienveillance ce troisième budget rectificatif qui, je l’espère, conduira la France sur la voie du redressement.

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