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Projet de loi habilitant le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures de préparation au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne

Mme la présidente. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Françoise Laborde.

 

 

Mme Françoise Laborde. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, en 2016, les Britanniques choisissaient de délier leur destin de celui de l'Union européenne. En votant en faveur du leave, ils ont choisi le « grand large », selon la fameuse expression churchillienne.

Le choc fut rude même si nous savions les limites d'une adhésion en demi-teinte : le Royaume-Uni avait renégocié sa contribution financière, s'était exclu de Schengen, de l'euro ou encore de la Charte des droits fondamentaux.

Pendant plus de quarante ans de vie commune, l'Angleterre a toujours eu un pied dehors, un pied dedans. Aussi, il n'est pas surprenant que cette dichotomie ressurgisse à propos de l'accord de retrait, jusqu'à rendre – peut-être – celui-ci impossible pour des considérations qui ne sont même plus d'ordre technique. C'est bien dommage ! En effet, les divisions politiques internes au Royaume-Uni menacent un retrait ordonné. Madame la ministre, lors de votre audition devant la commission spéciale, vous avez évoqué cette possible impasse, ce no deal qui se profile.

Nous avons tous bien compris que Theresa May essayait de naviguer entre les europhobes de son propre parti et ceux qui regrettent le Brexit, tout cela avec, en point d'orgue, la question de la frontière entre la République d'Irlande et l'Irlande du Nord. Et pour ne rien arranger, les nationalistes écossais ne sont pas en reste lorsqu'ils soutiennent l'idée d'un nouveau référendum. Comme l'a très justement souligné le Président de la République à l'issue du dernier Conseil européen : « Ce n'est pas à l'Union européenne de faire des concessions pour trouver des solutions à un problème politique interne britannique. »

Le groupe du RDSE partage cette position. Il revient au Royaume-Uni d'assumer ses difficultés intérieures et de ne pas demander l'impossible pour tenter de les résoudre, comme ce fut le cas avec le plan de Chequers, une sorte de marché unique à la carte.

Bien sûr, il ne s'agit pas pour autant de méconnaître la très délicate question irlandaise, bien au contraire. La construction européenne a dans ses gênes l'idée de paix. Le format du retrait britannique ne doit en aucun cas menacer les accords du Vendredi saint, tout le monde en convient.

C'est pourquoi l'idée du backstop prôné par Michel Barnier, le filet de sécurité entre l'Irlande du Nord et l'Union européenne, est une très bonne option. Espérons seulement qu'elle gagne rapidement du terrain outre-Manche. J'en profite pour saluer le travail remarquable de notre compatriote, négociateur en chef de la commission, qui ne ménage pas sa peine pour trouver le meilleur compromis et qui s'emploie à présenter le visage d'une Europe à vingt-sept unie.

Quoiqu'il advienne, avec ou sans accord, le retrait étant irréversible, l'Union européenne, et au sein de celle-ci notre pays, doit s'y préparer. Le Conseil européen l'a rappelé depuis 2017 lors de chacune de ses réunions. Nous y sommes aujourd'hui.

La mise en œuvre de l'article 50 du traité sur l'Union européenne étant une première, ses conséquences soulèvent des inquiétudes, s'agissant en particulier de la libre circulation des personnes et des marchandises.

Demain, le Royaume-Uni sera un État tiers. Les enjeux sont nombreux pour les citoyens, les expatriés, les couples mixtes, dont la circulation et les droits pourraient être un temps entravés. Quant aux marchandises, on imagine aisément, en cas d'impréparation, les difficultés que pourrait avoir le rétablissement des frontières lorsque l'on sait, par exemple – je tiens à le redire –, que chaque année transitent 25 millions de tonnes de marchandises par le tunnel sous la Manche.

Le projet de loi d'habilitation qui nous est soumis cet après-midi doit anticiper ces situations. Compte tenu du contexte que nous avons tous évoqué, celui de négociations non abouties – tout au moins dans les délais fixés initialement –, le projet de loi présente la particularité de proposer des habilitations contenant des mesures de portée très générale, voire peu précises quant à leurs finalités. Le Conseil d'État s'en est d'ailleurs ému, mais il faut reconnaître, madame la ministre, que l'équation est complexe.

On mesure bien les contraintes qui entourent ce texte : des négociations en suspens – je viens de le rappeler – qui commandent une certaine flexibilité au sein de ces ordonnances, la nécessité également de tenir compte des dispositions qui seront prises par le Royaume-Uni, par l'Union européenne et par chacun des États membres.

Pour toutes ces raisons, le groupe du RDSE estime que ces ordonnances se justifient, même si, en tant que parlementaires, nous n'en sommes pas très friands, car, disons-le, elles comportent souvent une part d'inconnue.

La commission spéciale a en tout cas entrepris un travail de clarification et de consolidation des quatre articles du projet de loi, qui va, pour l'essentiel, dans le bon sens. Je pense en particulier aux amendements à l'article 3 concernant le régime applicable aux travaux de construction et d'aménagement qui seront rendus nécessaires par le rétablissement de contrôles aux frontières. Cet article concerne près d'une dizaine de codes et des mesures allant du permis de construire au travail de nuit, en passant par les obligations environnementales.

Si l'urgence peut conduire à contourner provisoirement le droit commun, l'allégement des procédures doit néanmoins être borné par le respect des droits et des libertés garantis par la Constitution. C'est un apport très utile de la commission que je souhaitais souligner. Je regrette donc l'amendement du Gouvernement tendant à introduire le mot « notamment ». Je pensais naïvement que ce mot était à proscrire dans un texte de loi, mais peut-être est-ce pour nous signaler que la liste des adaptations ou des dérogations, déjà longue, est incomplète. Nous en débattrons, madame la ministre, lors de la discussion des amendements.

Mes chers collègues, dans cette épreuve qui secoue l'Europe, les États membres ont leur part de travail à fournir pour protéger nos concitoyens et nos intérêts.

Le groupe du RDSE, profondément attaché au projet européen, sera au rendez-vous des mesures qui faciliteront la concrétisation d'une Europe à vingt-sept. Et, au-delà, nous espérons qu'un divorce à l'amiable est encore possible, afin de réussir au mieux la prochaine étape, le cadre des relations futures entre l'Union européenne et le Royaume-Uni. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe La République En Marche et du groupe Union Centriste. – MM. Robert del Picchia et Jean-Paul Émorine applaudissent également.)

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