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Projet de loi relatif à la lutte contre la fraude

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Delattre.

 

Mme Nathalie Delattre. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, en ces jours de commémoration du soixantième anniversaire de la Constitution de la Ve République, j'ai envie de faire référence à Georges Pompidou.

M. Philippe Dallier. Très bien !

Mme Nathalie Delattre. Ce dernier évoquait déjà durant les Trente Glorieuses le fléau de la fraude fiscale : « La fraude est à l'impôt ce que l'ombre est à l'homme. »

Les propos de l'ancien Président de la République n'ont jamais cessé d'être d'actualité. Nous y répondons aujourd'hui par un texte que l'on pourrait qualifier de « bélier », fruit d'un débat parlementaire riche, qui illustre bien, s'il le fallait encore, que le bicamérisme est un impératif démocratique pour notre pays.

Je me réjouis que la commission mixte paritaire, à laquelle j'ai eu l'honneur de participer en tant que représentante du groupe du RDSE, soit parvenue à l'adoption d'un texte commun.

Après la promulgation cet été de la loi pour un État au service d'une société de confiance, ce texte représente le volet « répressif » des nouvelles relations entre l'État et les citoyens que le Gouvernement souhaite engager. Son objet est simple : permettre de mieux détecter, de mieux appréhender et de mieux sanctionner les différentes formes de fraude, qui sont autant d'entorses à notre contrat social.

Je le rappelle, la fraude fiscale coûte entre 60 milliards et 80 milliards d'euros par an, soit près de 20 % des recettes fiscales brutes de notre pays. Ce sont autant de ressources en moins pour financer les politiques publiques et réduire nos déficits. Ce sont autant d'efforts en plus que nous demandons à nos concitoyens pour combler ce manque à gagner.

L'examen parlementaire a considérablement enrichi le texte du Gouvernement, qui, de onze articles dans sa version initiale, est passé à trente-huit.

En tant que rapporteur pour avis au nom de la commission des lois, j'avais proposé en première lecture, conformément à l'avis du Conseil d'État, la suppression de l'article 1er, auquel faisait référence M. le rapporteur. Celui-ci apparaissait en effet redondant avec les dispositifs existants de lutte contre la fraude fiscale au sein du ministère de l'intérieur. Je comprends la nécessité pour la commission mixte paritaire de parvenir à un compromis, mais je regrette le maintien de cet article, qui revient à créer un nouveau service de police fiscale au sein du ministère des comptes publics, à côté de la brigade nationale de répression de la délinquance financière. Cela risque de se traduire, au mieux, par un jeu à somme nulle, au pire, par une guerre des polices.

Je salue en revanche le maintien de l'article 9 bis, que j'avais défendu. Il concerne la convention judiciaire d'intérêt public, une « transaction pénale » ouverte en matière de fraude fiscale. Ce nouvel outil permettra de renforcer l'efficacité des modes de poursuite, tout en assurant la publicité et la transparence pour ce qui concerne la fraude effectuée. Je regrette toutefois que les députés aient supprimé l'article 9 ter, qui aurait permis d'inscrire dans la loi la jurisprudence Talmon, laquelle précise que le « verrou de Bercy » ne s'applique pas au délit de blanchiment de fraude fiscale. En effet, le risque évoqué par nos collègues et la Chancellerie d'interprétation a contrario me semble limité, dans la mesure où nos travaux ont bien indiqué que telle n'était pas l'intention. À mon sens, c'est un raté.

S'agissant de l'une des innovations du projet de loi, à savoir la généralisation du name and shame, je regrette que nous devions en arriver à une telle pratique, celle de la dénonciation et du blâme public. Il n'est pas dans notre culture d'utiliser ainsi la presse pour rendre publiques des infractions. Cela dit, je conçois parfaitement que notre droit évolue en ce sens pour les seules personnes morales, étant entendu que la fraude fiscale a atteint un degré d'acceptabilité sociale particulièrement bas.

C'est également le sens qu'il faut donner à l'évolution des pouvoirs de l'Autorité des marchés financiers en matière de lutte contre les abus de marché, adoptée par la commission mixte paritaire. Il s'agit d'anticiper une inconstitutionnalité qui devait prendre effet à la fin de l'année.

J'en viens à la réforme du « verrou de Bercy », point majeur de ce texte, auquel les médias ont consacré une attention peut-être disproportionnée au regard des autres dispositions.

Il est revenu à la Haute Assemblée de poser les bases du débat, de façon transpartisane, en instaurant des critères rendant obligatoire la transmission au parquet des dossiers de fraudes fiscales les plus graves, supérieures à 100 000 euros. L'Assemblée nationale a complété notre texte en renforçant le dispositif et la gravité des sanctions, notamment pour les élus.

De timides avancées avaient été réalisées en 2013 et 2016, avec les lois visant à lutter contre la délinquance économique et financière et la loi Sapin II, qui concernait la lutte contre la corruption. À l'échelle internationale, l'accord multilatéral de 2016 sur l'échange de déclarations pays par pays et la convention multilatérale de lutte contre l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices, ratifiée par la Haute Assemblée le 19 avril dernier, ont représenté une petite avancée.

Même si le texte que nous examinons aujourd'hui n'est pas encore exemplaire dans son aboutissement, il est significatif. C'est à ce titre que mon groupe le soutiendra et votera en faveur de l'adoption des conclusions de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)

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