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Projet de loi relatif à la restitution ou la remise de certains biens culturels aux ayants droit de leurs propriétaires victimes de persécutions antisémites

M. Bernard Fialaire. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, ce projet de loi, que le groupe du RDSE soutient à l'unanimité, nous place à la croisée de trois chemins : ceux de l'histoire, de la culture et du droit.

L'histoire, tout d'abord, avec la réparation, près de quatre-vingts ans après, de la spoliation de biens culturels appartenant à des victimes de persécution antisémite.

Il a fallu attendre plus de cinquante ans pour que le Président de la République Jacques Chirac reconnaisse, le 16 juillet 1995, la responsabilité de l'État français dans la déportation des juifs de France,…

Mme Nathalie Goulet. Eh oui !

M. Bernard Fialaire. … comme de tous les autres juifs, contrairement à ce que certains pourraient laisser entendre.

M. Pierre Ouzoulias. Très bien !

M. Bernard Fialaire. Les musées abritant dans leurs collections des œuvres inventoriées « Musées nationaux récupération » se sont mis tardivement à la recherche proactive des ayants droit.

C'est trop récemment également que la Commission pour l'indemnisation des victimes de spoliations a pu s'autosaisir de spoliations de biens culturels.

En outre, ces restitutions dépassent le seul champ de l'objet matériel ; elles sont un enjeu essentiel de la reconnaissance de la Shoah, de la collaboration de l'État français et du nécessaire effort de réparation que nous devons aux ayants droit des trop nombreuses victimes de cette barbarie.

Ce projet de loi nous invite par ailleurs à la rencontre du domaine de la culture et à l'appréciation de ce que c'est qu'un bien culturel. Certains biens ont une valeur affective importante pour les familles. Ils sont des témoignages de leur passé, en tant qu'ils expriment le choix affectif ou esthétique qui avait été porté sur eux à l'époque.

Néanmoins, certaines œuvres sont aussi des objets d'un marché de l'art hautement spéculatif et marqué par une grande mobilité.

C'est l'occasion, donc, dans ce temps de réflexion sur une future loi-cadre, de revenir sur la valorisation d'œuvres qui suscitent une spéculation intrinsèquement liée à leur statut de valeur refuge en temps troubles ; quant à la fiscalité afférente, il faut en faire régulièrement l'examen pour en mesurer le bénéfice culturel ou pour constater au contraire que son seul effet relève de la niche fiscale ou du droit des successions.

L'article 2 de ce projet de loi nous conduit à nous interroger sur la valeur marchande du bien culturel, qui peut fluctuer au gré des situations économiques, mais qu'il convient de réparer lorsqu'un contexte délétère a été imposé par l'ignominie des prises de position de l'État français de Vichy.

Quant au troisième axe de réflexion qu'appelle l'examen de ce texte, il nous engage, nous, parlementaires, réunis pour écrire la loi : c'est le droit.

Dire le droit, c'est utiliser des mots, qui peuvent guérir, qui peuvent réparer, comme d'autres peuvent blesser, meurtrir. Dire et écrire la nécessaire réparation due à la mémoire des victimes de persécutions antisémites est un devoir qu'il nous revient de remplir par l'intermédiaire de ce projet de loi.

La funeste période du régime de Vichy fut ouverte par la défaite militaire, mais aussi par la faillite morale de ce qui fut alors la représentation nationale.

M. Pierre Ouzoulias. Très bien !

M. Bernard Fialaire. La repentance, en ce cas, n'est pas une réécriture de l'histoire en dehors de son contexte ; c'est la lucidité et le courage d'assumer ses fautes et de demander pardon.

Je voudrais à présent revenir sur la notion d'inaliénabilité des biens culturels de nos collections publiques. Si l'on comprend les préoccupations de ceux qui ont décidé d'une telle inaliénabilité pendant la Révolution française, je plaide, quant à moi, plutôt que pour l'inaliénabilité de la propriété de tels biens, pour un glissement vers l'inaliénabilité de leur dimension culturelle.

Allons plus loin : il faudrait réfléchir à une dimension universelle des biens culturels en vertu de laquelle ceux-ci pourraient être partagés au sein d'un patrimoine de l'humanité ; quid, dès lors, du nu-propriétaire et de l'usufruitier d'un tel patrimoine ?

Tel est bien le rôle de la culture : ouvrir le chemin de la réflexion sur l'universalité des biens culturels, dont certains ont leur place sur leur lieu d'origine, et d'autres dans des collections muséales. Et pourquoi ne pas rêver, plus loin encore, de l'universalité d'autres biens, comme certaines ressources naturelles indispensables à la vie de l'humanité ?

Ce projet de loi, dont je disais en introduction qu'il nous plaçait à la croisée des chemins, nous offre de belles perspectives pour penser plus loin. Bien au-delà des justes réparations qu'il engage, c'est peut-être aussi l'hommage que l'on doit aux victimes de la barbarie que de penser un monde meilleur, plus juste et plus fraternel. (Applaudissements.)

M. Pierre Ouzoulias. Très bien !

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