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Projet de loi relatif au Parquet européen et à la justice pénale spécialisée

M. le président. La parole est à M. Joël Labbé.

M. Joël Labbé. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi dont nous discutons aujourd'hui comporte des dispositions très variées, plus ou moins attendues par nos concitoyens.

L'adaptation de notre système judiciaire à l'instauration d'un Parquet européen, en particulier à l'installation de procureurs délégués dans chaque État membre, vient clore un long processus de négociations européennes. Le groupe du RDSE ne peut que saluer la mise en œuvre d'une nouvelle coopération renforcée au sein de l'Union européenne. Cela devrait permettre d'accroître la lutte contre les fraudes portant préjudice aux intérêts financiers de l'Union, et donc des citoyens européens.

Certains considèrent que cette réforme pose une nouvelle fois la question de l'avenir de la procédure pénale en France et des places respectives du procureur de la république, du juge des libertés et de la détention, et du juge d'instruction dans cette procédure.

Je laisserai aux juristes de cet hémicycle – ils sont nombreux – le soin d'expliquer pourquoi ces évolutions nécessitent de mener à bout l'indépendance du parquet.

Bien qu'elles concernent la qualité de la justice rendue et l'autorité de la loi, il n'est pas certain que ces questions fassent partie des préoccupations premières de nos concitoyens.

Au contraire, d'autres mesures du texte touchent plus directement à leurs préoccupations contemporaines. Je pense à la multiplication des juridictions spécialisées, souvent localisées à Paris, qui semble s'inscrire à contre-courant du grand besoin d'accessibilité aux services publics. Les quelques amendements que nous avons déposés pour délocaliser certains de ces magistrats dans des ressorts provinciaux visent à ouvrir le débat.

Je pense également aux attentes en matière de protection de l'environnement, qui sont elles aussi de plus en plus partagées au sein de notre société, ne serait-ce que lorsqu'elles sont nécessaires pour préserver la santé publique. La décision du tribunal administratif de Lyon du 26 septembre 2019 ayant reconnu une faute de l'État à raison des insuffisances du plan de protection de l'atmosphère de l'agglomération lyonnaise répond à la demande de réparation du préjudice d'une mère pour elle et son enfant. De fait, nos concitoyens se tournent de plus en plus vers la justice pour que leur droit à vivre dans un environnement sain soit respecté.

Madame la ministre, je voudrais donc d'abord saluer l'inscription d'un titre consacré à la justice pénale environnementale dans ce texte. J'y vois une réponse à la promesse faite par votre collègue Brune Poirson dans ce même hémicycle il y a un peu moins d'un an, au moment de l'examen de la proposition de loi sur l'écocide. Je crois en effet que la voie pénale ne doit pas être écartée pour prévenir la pollution de notre écosystème.

À cette fin, vous proposez l'instauration de pôles régionalisés spécialisés et le recours à la convention judiciaire d'intérêt public, mais je crains qu'il ne s'agisse d'avancées quelque peu ambivalentes et insuffisantes. En revanche, madame la ministre, je salue votre initiative de rendre prioritaire la création de postes de travaux d'intérêt général environnement et développement durable, que vous appelez « TIG verts », pour l'insertion sociale par des peines utiles à la société. Il y a une vingtaine d'années, lorsque j'étais maire de la commune de Saint-Nolff, c'est avec plaisir que j'ai chaque fois joué le jeu des travaux d'intérêt général. À cette occasion, j'ai pu constater que souvent les plus durs étaient les meilleurs !

Nous avons donc proposé une série d'amendements destinés à explorer d'autres pistes. En matière pénale comme dans les autres champs des politiques publiques, la prise de conscience écologique rebat toutes les cartes. L'éparpillement des infractions visant à sanctionner des atteintes à l'environnement entre quinze codes nuit à leur application.

Les quantum devraient par la même occasion être révisés. Le rapport Une nouvelle justice pour l'environnement, publié tout récemment, souligne que les moyens humains d'enquête devraient être considérablement renforcés. Il comporte plusieurs pistes d'améliorations civiles et administratives qu'il aurait été utile d'intégrer, ce que l'article 45 de la Constitution nous empêche de faire.

Ces considérations me semblent prioritaires par rapport à la nécessité d'instaurer une nouvelle peine complémentaire d'interdiction d'utiliser les transports publics, que l'on comprend mal. Le groupe du RDSE, comme à son habitude, aura une position plurielle : c'est dans ses gènes ! Nous sommes bienveillants par rapport à ce texte, mais certains d'entre nous sont extrêmement exigeants et préfèrent attendre de connaître le sort qui sera réservé à nos amendements.

En conclusion, je citerai le sociologue philosophe Bruno Latour : « Ce monde me va tout à fait, je n'en connais pas de meilleur ; d'ailleurs, je n'en ai pas d'autre. » À nous d'en prendre conscience et d'agir en conséquence ! (M. Jean-Noël Guérini et Mme Élisabeth Doineau applaudissent.)

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Merci !

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