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Proposition de loi pour un élevage éthique, juste socialement et soucieux du bien-être animal

M. Henri Cabanel. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, une proposition de loi peut-elle, en quelques bonnes intentions, changer le monde ?

C'est la question que je me pose souvent lors de l'examen de textes touchant à des enjeux sociétaux. Ce débat qui nous réunit aujourd'hui en fait partie : comment être contre des objectifs d'élevage éthique, rémunérateur, socialement juste et soucieux du bien-être animal ? Comment être contre l'interdiction de l'élimination de poussins mâles et de canetons femelles vivants ?

Je remercie le groupe Écologiste – Solidarité et territoires de porter au débat des objectifs aussi nobles. Cependant, je m'interroge sur l'opportunité de ce texte, alors que le mal-être des agriculteurs n'a jamais atteint un tel paroxysme : deux agriculteurs se suicident chaque jour ; ne les oublions pas.

Si vous l'évoquez dans l'exposé des motifs en pointant un élevage intensif, qui ne respecte ni les agriculteurs ni les animaux, les mettant ainsi au même niveau, je souhaite poser ici un préambule : la nuance.

Ma collègue Françoise Férat et moi-même avons pu faire adopter à l'unanimité des membres de la commission des affaires économiques notre rapport sur la détresse des agriculteurs grâce à une posture de nuance, loin des partis pris idéologiques.

Notre société ne parvient plus aujourd'hui – plus encore avec les réseaux sociaux, qui réduisent les débats à néant, qui sclérosent la pensée, qui la congestionnent en un « pour ou contre » – à comprendre les enjeux et les conséquences de décisions parfois irrémédiables.

L'agriculture focalise les tensions, les incompréhensions et les fausses informations. En nous nourrissant et en aménageant nos territoires, elle se trouve au cœur de nos vies et en vient souvent à opposer idéologies et modèles.

Cette posture ne mènera à rien, sinon à l'ascension des extrêmes. C'est la raison pour laquelle il faut appréhender les problèmes de façon globale, réunir toutes les parties prenantes et agir avec l'ensemble des postulats, loin des passions et des fantasmes.

J'aime répéter que l'agriculture, ce n'est pas un enjeu, mais un faisceau d'enjeux – environnementaux, économiques, sociaux, sociétaux, mais aussi de santé publique, d'indépendance alimentaire… –, qu'il faut traiter de façon transversale. Privilégier un axe plutôt qu'un autre déséquilibre nos filières déjà bien fragilisées par les crises sanitaires, climatiques et économiques successives, ainsi que par une perte de compétitivité due à une surtransposition des règles européennes.

Je m'inquiète réellement des effets des lois qui n'ont de conséquences que sur les paysans français. J'estime que les enjeux légitimes que vous posez doivent être examinés et votés au niveau européen.

En effet, limiter les mesures aux éleveurs français équivaut à instaurer, de fait, une concurrence déloyale entre les filières des États membres. Toute interdiction de mode de production va isoler nos agriculteurs dans un marché européen déjà très concurrentiel et, a fortiori, au sein d'un marché mondial libéral, où le prix le plus bas s'oppose aux modes de production durables.

Vous le savez, je prône les circuits courts et les signes de qualité. Mais, alors que nos agriculteurs travaillent en moyenne 55 heures par semaine pour un salaire mensuel de 1 036 euros, soit 4,7 euros de l'heure, je pense qu'il faut nous poser avant de trancher dans le vif. Un grand nombre d'agriculteurs s'est d'ailleurs déjà tourné vers des pratiques vertueuses.

Avez-vous analysé l'impact de votre texte sur la compétitivité des filières ? Avez-vous analysé l'impact financier des mesures d'accompagnement ? Avez-vous réellement analysé l'impact sur le bien-être animal ?

En effet, les consommateurs qui mangent de la viande à bas prix se tourneront vers des produits étrangers. Nous n'aurons alors aucune possibilité de connaître les conditions de vie et d'abattage des animaux, ce qui réduira quasiment à néant l'objectif premier de cette proposition de loi.

Je suis sincèrement persuadé que c'est non pas une loi, mais bien une évolution des mentalités qui changera le monde. Associer le consommateur à l'acte d'achat, lui faire prendre conscience que son choix n'est pas anodin et qu'il peut agir sur les modes de production : tout cela est fondamental.

Aucune loi ne pourra remplacer ce libre arbitre. Il faut donc accompagner le consommateur. L'étiquetage lui fournit les informations dont il a besoin. Les applications, les QR codes, le Nutriscore se développent, et la filière agroalimentaire répond à la poussée sociétale à laquelle les agriculteurs s'adaptent déjà.

Dans le titre V, intitulé « Se nourrir », du projet de loi Climat et résilience, que nous examinerons prochainement, des avancées seront proposées pour une agriculture durable et de qualité. Ce véhicule législatif me semble plus légitime ; nous pourrons l'amender collectivement.

C'est pourquoi la majorité du groupe RDSE s'abstiendra sur cette proposition de loi. La conscience et la raison ont aussi force de loi ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et UC.)

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