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Proposition de loi relative à la circulation et au retour des biens culturels appartenant aux collections publiques

 

M. Jean-Claude Requier. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la déclaration universelle sur la diversité culturelle de l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture (Unesco) affirme la « spécificité des biens et services culturels qui, parce qu'ils sont porteurs d'identité, de valeurs et de sens, ne doivent pas être considérés comme des marchandises ou des biens de consommation comme les autres ».

Dans ces conditions, selon une conception identitaire, on peut comprendre la nécessité du retour d'un bien vers celui à qui il fait sens, tout comme on peut aussi accepter la valorisation des biens culturels dans une perspective universaliste, car la culture s'épanouit au contact des autres.

Bien entendu, au regard de notre histoire, en particulier de celle qui nous lie au continent africain, il est clair que ces deux approches peuvent se heurter.

Aussi, la proposition de loi a le grand mérite de mettre en place un cadre rigoureux de nature à traiter, dans la transparence et sans arrière-pensées, les demandes de retour de biens culturels dans leurs pays d'origine. Le RDSE est tout à fait favorable à son adoption.

Madame la secrétaire d'État, ce débat peut-il ouvrir la voie à la loi-cadre voulue par le Président de la République ? La réflexion, en effet, ne sera pas épuisée aujourd'hui...

Au fond, quelle est la finalité du retour d'un bien culturel dans son pays d'origine ? S'agit-il pour le donateur de l'utiliser comme un levier de soft power – « puissance douce », en français ? La multiplication des conventions de dépôt engagées par le Gouvernement participe sans doute au dialogue politique avec les pays d'Afrique.

Par ailleurs, lorsque l'on sait qu'une grande majorité de biens culturels ont été acquis dans des conditions inacceptables, s'agit-il de faire acte de repentance ? On peut accéder à ce besoin moral de réparer, mais doit-on pour autant qualifier sans nuance les musées européens de « musées des autres », comme le fait le polémique rapport dit « Savoy-Sarr » ?

À cet égard, dans le texte qui nous occupe ce soir, le choix du mot « retour », plutôt que celui de « restitution », va dans le sens d'un apaisement nécessaire autour de cette question sous-jacente des spoliations. Le retour fait référence à l'histoire et à la géographie, sans se focaliser sur les conditions d'acquisition.

Pour le législateur, la meilleure façon d'éviter ces écueils est de mieux encadrer la politique de retour des biens culturels, en donnant avant tout un rôle accru aux experts, comme nous le faisons dans le présent texte.

Pour autant, à terme, une réflexion plus vaste sera nécessaire. Comme l'a rappelé notre collègue Bernard Fialaire lors de l'examen de la loi relative à la restitution de biens culturels à la République du Bénin et à la République du Sénégal, le « retour » d'un bien culturel doit relever avant tout d'une réflexion culturelle.

Le principe d'inaliénabilité, qui protège les collections publiques, apparaît bloquant, alors que, en réalité, il n'est pas absolu. En effet, ce n'est pas la nature d'un bien qui fait obstacle à l'aliénation ; c'est son affectation au domaine public. La procédure de déclassement le confirme.

Dans une future loi-cadre, on attend un dépassement de ces notions. En réponse à des demandes de pays qui auraient un attachement historique ou identitaire à des biens culturels, il faut mettre en avant la notion de don, qui intègre l'idée de la propriété inaliénable du bien culturel au niveau de son essence, et non de sa matérialité.

Ce droit doit en effet se construire à partir de la dimension culturelle d'un bien pour dépasser son titre de propriété.

M. Pierre Ouzoulias. Très bien !

M. Jean-Claude Requier. Certains biens ont d'ailleurs acquis une vocation culturelle en sortant de leurs frontières, en se confrontant avec d'autres cultures. Cela relativise l'endroit où ils se trouvent.

Une œuvre a une vocation universelle et elle appartient au patrimoine universel de l'humanité, qui pourrait en être le nu-propriétaire. L'usufruit, quant à lui, trouverait sa place en fonction de son intérêt culturel, soit dans un musée à vocation universel de dialogue interculturel, soit dans son pays d'origine si sa présence est nécessaire à l'approfondissement de l'identité de ce pays.

M. Pierre Ouzoulias. Très bonne idée !

M. Jean-Claude Requier. La circulation des biens serait ainsi facilitée, sous réserve de l'amélioration des politiques muséales ou de conservation des pays d'accueil des biens culturels. Le corapporteur spécial de l'aide publique au développement que je suis ne serait pas opposé à un véritable renforcement des moyens de la coopération en matière d'ingénierie culturelle.

En attendant, mes chers collègues, dans le sillage de Bernard Fialaire, le RDSE approuvera ce texte visant à un dépassement des frontières, à un patrimoine culturel partagé et à une meilleure concorde entre les peuples. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, GEST et CRCE, ainsi qu'au banc des commissions.)

M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Très bien !

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