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Proposition de loi relative aux causes de l'irresponsabilité pénale et aux conditions de réalisation de l'expertise en matière pénale

Mme Nathalie Delattre. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, madame la rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, mes chers collègues, le 14 avril dernier, la Cour de cassation tranchait : le procès du meurtrier de Sarah Halimi n'aura pas lieu. Elle n'est pas revenue sur la décision de la cour d'appel de Paris, marquant certes une continuité jurisprudentielle, mais suscitant une colère, une indignation et des interrogations qu'il est aisé de comprendre.

 

Toutefois, la lecture de cet arrêt est riche d'enseignements, car elle met au jour deux thèses radicalement opposées.

D'un côté, la thèse retenue par les juges, appuyée sur les expertises psychiatriques et appliquant la mécanique de la responsabilité pénale, conclut à l'irresponsabilité pénale de M. Kobili Traoré. Ainsi, au regard de la vérité judiciaire, ce dernier demeurera sujet à des bouffées délirantes. À ce titre, l'arrêt précise : « […] Aucun élément du dossier d'information n'indique que la consommation de cannabis par l'intéressé ait été effectuée avec la conscience que cet usage de stupéfiants puisse entraîner une telle manifestation. »

De l'autre côté, la thèse des auteurs du pourvoi, la famille de Sarah Halimi, fait valoir que le seul fait de consommer des stupéfiants, même sans avoir la conscience de leurs effets potentiels sur le discernement, devrait exclure la prise en considération de l'abolition du discernement. À l'inverse, l'acte volontaire de consommation de stupéfiants devrait être constitutif d'un comportement fautif excluant l'irresponsabilité.

Cette seconde solution est bien sûr compréhensible ; est-elle trop radicale pour qu'un juge la retienne ? Sans doute.

Si l'on ne peut laisser à une juridiction la responsabilité d'un tel revirement, c'est au législateur de se pencher sur la question. Il revient donc au Parlement de déterminer comment exclure du champ d'application de l'irresponsabilité pénale les cas dans lesquels la faute de l'auteur est à l'origine de son état d'irresponsabilité.

La proposition de loi élaborée par notre collègue rapporteur Nathalie Goulet et celle cosignée par nos collègues membres des commissions des lois et des affaires sociales inaugurent cette réflexion. Je me réjouis que le Sénat soit à l'initiative de ce travail. Les premiers échanges auxquels il a donné lieu en révèlent toute la complexité.

La solution la plus instinctive serait de modifier l'article 122-1 du code pénal, qui édicte le principe de l'irresponsabilité pénale d'une personne atteinte, « au moment des faits, d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes ».

Seulement, l'article 122-1 pose un principe fondamental de notre droit sur lequel il pourrait être imprudent de revenir, même avec mesure. En effet, on ne saurait pas véritablement dans quelle voie nous engagerait un tel changement.

De ce point de vue, je tiens à saluer le travail effectué par la commission des lois : cette dernière a retenu une solution alternative plus respectueuse de nos principes. La procédure proposée pourrait effectivement permettre d'éviter certaines incompréhensions, dans des cas aussi dramatiques que le meurtre de Sarah Halimi.

En outre, ce texte reprend certaines propositions figurant dans le rapport d'information intitulé Expertise psychiatrique et psychologique en matière pénale : mieux organiser pour mieux juger. Ce rapport a été rendu par nos collègues Jean Sol et Jean-Yves Roux à la suite des auditions menées par un groupe de travail dont j'approuve entièrement l'initiative.

En effet, ce groupe de travail a été constitué lors de la précédente mandature, à ma demande, alors que j'étais membre du bureau de la commission des lois, et avec l'appui de son président d'alors, Philippe Bas. Aussi, je remercie sincèrement Jean Sol de m'avoir associée à la signature de la proposition de loi issue de ses travaux, qui étaient très attendus.

Cette proposition de loi reprend près de la moitié des préconisations que nous avons formulées et que je cite pêle-mêle : lever les blocages dans la communication des dossiers médicaux ; mieux encadrer la possibilité pour les parties de solliciter un complément d'expertise ; renforcer l'information des experts ; ou encore renforcer les obligations déontologiques de ces derniers.

Ces évolutions sont vivement espérées. Nous saluons donc l'ensemble des propositions retenues : au regard de ces dernières, le groupe RDSE, très impliqué dans ces questions, se prononcera avec force et conviction pour le présent texte ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et au banc des commissions.)

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