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Proposition de loi tendant à permettre l'examen par le Parlement de la ratification de l'ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'État

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, madame le rapporteur, mes chers collègues, avant de rejoindre les bancs du Sénat, j'ai eu l'honneur et le plaisir d'exercer le beau métier de professeur d'histoire-géographie.

L'histoire de France est intrinsèquement mêlée à celle des idées politiques, et elle connaît quelques passages incontournables.

Parmi ceux-là, je pense aux dernières années de l'Ancien Régime, quand les États généraux venaient d'être convoqués. Il y avait alors une critique presque systématique du mode de prise de décision des gouvernants. Le juriste Guillaume Le Trosne s'exprimant au sujet de celui qui décidait, qu'il soit Roi, ministre ou administrateur, écrivait : « S'il veut entreprendre de tout diriger par lui-même, de la distance où il se trouve, celui qui administre risque de ne rien voir, de confondre les objets dans l'éloignement et de porter un jugement faux et incertain sur des détails mal aperçus, ou d'après des rapports infidèles ».

Le reproche était assez classique et attendu pour l'époque, la volonté d'un seul homme, même oint du droit divin, ne pouvant plus légitimer une décision. Si je mesure bien la distance historique avec laquelle il faut recevoir cette citation, elle résonne néanmoins par deux fois dans notre discussion d'aujourd'hui.

Une première fois au sujet des ordonnances. La tendance à y recourir s'accroît toujours un peu plus et donne le sentiment d'un gouvernement qui entreprendrait « de tout diriger par lui-même », laissant au Parlement le seul soin de l'y habiliter et de n'en contrôler le respect que du bout des lèvres.

Sur ce point, les membres du groupe RDSE ont déjà eu l'occasion de le souligner : ils sont réticents par principe au recours aux ordonnances sur des sujets éminemment politiques. Le débat parlementaire doit demeurer l'essence de notre République.

Le second point concerne notre haute fonction publique. Les termes du débat qui entouraient la place des intendants, ancêtre des préfets et figure de la monarchie administrative du XVIIIe siècle, sont finalement assez proches de ceux que nous retrouvons au sujet de nos hauts fonctionnaires, auxquels il est reproché une organisation en corps nettement distincts et trop isolés et dont certaines règles et certains statuts constitueraient des sortes de privilèges perçus comme injustifiables.

Certes, la comparaison des époques doit rester anecdotique. Toutefois, ce détour historique est riche d'enseignements quant à la nécessité de réformer la haute fonction publique.

Il faut non seulement que l'on cesse de l'envisager comme un corps coupé de la société, mais aussi qu'elle n'agisse plus comme une nouvelle noblesse qui se substituerait aux représentants de la Nation. L'administration doit demeurer avant tout un outil au service de l'application des décisions des élus, nationaux comme locaux.

Je salue donc l'initiative des auteurs de cette proposition de loi. Nous connaissons les problèmes que pose la formation de l'encadrement supérieur. Ils sont identifiés et dénoncés depuis longtemps. Les modes de recrutement, notamment, sont encore trop marqués par la reproduction sociale et la consanguinité des réseaux de pouvoirs. Les allers-retours entre le public et le privé sont également source de conflits d'intérêts.

De ce point de vue, le remplacement de l'École nationale d'administration par l'Institut national du service public constitue une réponse attendue, mais qui ne saurait être satisfaisante. Les attributions des deux établissements restent, en effet, largement comparables, puisque l'institut assurera la formation initiale des fonctionnaires, notamment de ceux qui sont destinés à l'encadrement supérieur de l'État.

L'enjeu se trouve donc dans les modalités d'organisation de cette formation et dans la concrétisation du nouveau dispositif. En quoi permettra-t-il de former des hauts fonctionnaires qui seront plus en phase avec les territoires et qui seront plus aptes à comprendre le sens du service public, lorsque celui-ci s'exerce dans sa diversité locale ? En quoi les élèves de ce nouvel institut se démarqueront-ils véritablement des promotions d'énarques ?

Les mêmes interrogations planent au-dessus du nouveau corps d'administrateurs de l'État qui aura vocation à accueillir les anciens élèves de l'INSP. L'ordonnance le crée sans le préciser, laissant le soin au seul pouvoir réglementaire d'en décrire les attributions. La logique interministérielle que devra porter ce nouveau métier mérite des éclairages supplémentaires.

Au vu de ces différents éléments, nous comprenons très bien les remarques de la commission des lois quant aux incertitudes qui entourent cette ordonnance. Nous comprenons également la demande des auteurs de cette proposition de loi, qui veulent qu'une telle réforme ne se fasse pas sans un vrai débat public. Il reste toutefois assez curieux de voir les auteurs d'un texte voter contre ce même texte !

En réalité, nous sommes favorables à ce texte sur le fond, mais nous nous y opposons pour des raisons de forme. En conséquence, le groupe RDSE s'abstiendra.

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