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Proposition de loi visant à rétablir les droits sociaux des travailleurs numériques

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty.

 

M. Jean-Marc Gabouty. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, apparues depuis la crise économique de la fin des années 2000, les plateformes reposent sur l'externalisation de l'activité auprès d'une multitude d'acteurs formellement indépendants, de façon encore plus poussée que le recours à la sous-traitance « classique ». L'économie des plateformes, également appelée « économie collaborative » ou encore « ubérisation », recouvre des situations très diverses, mais connaît une forte croissance.

L'économie des plateformes est source de controverses et d'inquiétudes, en particulier en ce qui concerne ses effets sur le travail et l'emploi. S'agit-il de flexibilisation ou de précarisation ? Permet-elle une organisation plus libre du temps de travail ? Est-elle synonyme d'une meilleure adéquation aux préférences de certains travailleurs ou d'une dégradation de la qualité des emplois et d'une augmentation des risques psychosociaux ? Garantit-elle une satisfaction maximale du consommateur, au détriment du travailleur ?

En termes de politiques publiques, en particulier de droit du travail, l'économie des plateformes prolonge les questionnements sur la diversification des formes d'emploi, avec l'idée d'un statut intermédiaire entre salarié et travailleur indépendant classiques, sur la sécurisation des parcours professionnels et, enfin, sur l'adaptation du système de prélèvements obligatoires.

L'article 60 de la loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, dite « loi Travail » ou « loi El Khomri », a créé au nouveau titre dans le code du travail, relatif aux travailleurs utilisant une plateforme de mise en relation par voie électronique. L'article L. 7341-1 en définit ainsi le champ d'application : « Le présent titre est applicable aux travailleurs indépendants recourant, pour l'exercice de leur activité professionnelle, à une ou plusieurs plateformes de mise en relation par voie électronique définies à l'article 242 bis du code général des impôts. » Ce titre clarifiait les obligations sociales des plateformes en ligne et précisait les droits des travailleurs concernés en matière d'accidents du travail, de formation professionnelle, de validation des acquis de l'expérience et de droit syndical.

Ces dispositions, qui accordaient quelques droits sociaux aux travailleurs indépendants travaillant sur des plateformes collaboratives, en leur faisant bénéficier de certains attributs du salariat, sans toutefois que ces éléments soient, d'une quelconque façon, de nature à établir l'existence d'un lien de subordination, avaient été introduites lors de l'examen parlementaire, en commission, à l'Assemblée nationale. Elles avaient été supprimées par le Sénat par un amendement des corapporteurs, dont mon prédécesseur à cette tribune et moi-même. En effet, nous avions alors jugé ces dispositions prématurées, notamment au regard des affaires juridictionnelles en cours au moment de l'examen du projet de loi, tendant à requalifier certains contrats de travailleurs de plateformes en contrats de travail salarié.

Lors de la nouvelle lecture à l'Assemblée nationale, ces dispositions furent rétablies, avec, toutefois, une modification substantielle, répondant à la critique formulée par les corapporteurs du Sénat sur l'ambiguïté de l'article créant, dans le code du travail, un statut ad hoc de travailleurs non salariés sans être indépendants, la disposition selon laquelle la reconnaissance de la responsabilité sociale de la plateforme à l'égard de ces travailleurs n'entraînait pas de lien de subordination.

Il revient donc aujourd'hui au juge de se prononcer lorsqu'il est saisi sur la nature de ce lien. Des procédures sont en cours, et certaines ont même abouti. Par deux décisions de justice rendues en 2018 et 2019, la cour d'appel de Paris et, plus significatif encore, la Cour de cassation ont requalifié en contrats de travail les contrats de prestation de services, d'une part, d'un chauffeur VTC et, d'autre part, d'un livreur à deux-roues, mettant en avant notamment le lien de subordination.

Sur le fond, chers collègues, vous avez raison de vous interroger sur la nature du contrat et des relations entre les plateformes et les travailleurs dits « indépendants ». Il y a bien lieu d'élaborer un statut spécifique d'indépendant, d'encadrer les relations contractuelles avec les plateformes et, peut-être, d'encourager la création d'une branche professionnelle qui permettra de définir des droits concrets. En revanche, la réponse que vous apportez avec cette proposition de loi ne peut constituer qu'une solution parmi d'autres. Elle ne saurait répondre à l'ensemble des situations et pourrait même ne pas convenir à certains indépendants.

Si ce texte est utile, il ne saurait être adopté, même si l'amendement qui vise à limiter sa portée était voté. Une généralisation des seules coopératives d'activité et d'emploi ne suffit pas.

Toutefois, le débat qu'il suscite peut venir enrichir les travaux de la mission qui a été mise en place sur le même sujet. Au reste, je pense que ses auteurs seront certainement satisfaits de ces échanges, puisque, de leur propre aveu, leur but, en déposant cette proposition de loi, était de commencer à éveiller les consciences. (M. Jean-Claude Requier applaudit.)

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