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Proposition de résolution demandant au Gouvernement de mettre en œuvre une imposition de solidarité sur le capital afin de renforcer la justice fiscale et sociale et de répondre au défi de financement de la crise sanitaire, économique et sociale du Covid-19

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, le rétablissement d'une imposition plus stricte de la fortune est un objet de débat récurrent, depuis le début du quinquennat, entre le Gouvernement et la gauche de cet hémicycle.

La loi de finances pour 2018, premier budget entièrement préparé, voté et exécuté par la majorité présidentielle, avait restreint, mais non supprimé, l'impôt sur la fortune, conformément à l'annonce faite par Emmanuel Macron pendant sa campagne électorale.

En remplaçant l'ISF par un impôt sur la seule fortune immobilière, l'IFI, et en instituant un taux fixe d'imposition des revenus du capital, le prélèvement forfaitaire unique ou flat tax, fixé à 30 %, le Gouvernement a remis au goût du jour des questions que nous avions dû traiter lors des débats sur le bouclier fiscal, en 2007, et déjà en 1986, lorsque fut supprimé l'impôt sur les grandes fortunes, à l'époque de la première cohabitation…

L'imposition de la fortune fait partie de ces politiques à forte teneur symbolique qui devraient permettre, à première vue, de distinguer la droite et la gauche, selon une ligne en apparence simple. Bien sûr, les choses sont beaucoup plus complexes en réalité. Les controverses sur le bien-fondé économique ou moral de l'ISF ne datent pas de l'élection d'Emmanuel Macron ; elles ont toujours plus ou moins existé.

Vous le savez, le radicalisme dont nous nous réclamons s'articule autour de grands principes qui ont façonné la République, tels que la défense des libertés, l'égalité, l'union nationale, la laïcité, la protection de la propriété individuelle... C'est pourquoi il se reconnaît moins dans les débats souvent teintés de présupposés idéologiques, comme celui de l'imposition de la fortune. Il défend néanmoins le principe de l'impôt, qui doit être acquitté en fonction des capacités contributives de chacun, en accord avec l'article XIII de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Il reste attaché à l'idée citoyenne d'un impôt sur le revenu, chère à Joseph Caillaux, alors que notre système fiscal s'est grandement complexifié depuis son instauration voilà un peu plus d'un siècle.

Que dire donc de l'établissement d'une imposition plus forte sur le capital ? L'impôt sur la fortune tel qu'il existait jusqu'en 2017 rapportait un peu plus de 4 milliards d'euros par an. On pourra juger que ce n'est pas un montant seulement symbolique, bien qu'il ne représente qu'une petite fraction des recettes publiques. Sa transformation en impôt sur la seule fortune immobilière a surtout révélé la part prépondérante du patrimoine financier chez les ménages les plus aisés. C'était d'ailleurs la volonté du Président de la République de soutenir ce type de patrimoine, jugé davantage productif.

Depuis, les oppositions de gauche – socialistes, France insoumise, communistes… – n'ont eu de cesse de demander le rétablissement d'un impôt sur le patrimoine plus ou moins comparable à celui qui existait avant 2018. C'est également une demande importante du mouvement des « gilets jaunes », qui a eu pour origine une révolte contre un sentiment plus général d'injustice fiscale et sociale.

Face à ces revendications, le Gouvernement s'est jusqu'à présent toujours refusé à remettre en question cette réforme, parmi les premières mises en œuvre au début du quinquennat et qui reste un jalon important de sa politique, malgré le besoin de trouver de nouvelles recettes publiques pour couvrir les dépenses très importantes décidées pour faire face aux conséquences économiques des mesures de lutte contre l'épidémie de Covid-19.

La commission des finances du Sénat a rendu au mois d'octobre 2019 un intéressant rapport d'évaluation de la transformation de l'ISF en IFI et de l'instauration du PFU, qui a conclu à une certaine précipitation de la réforme et à des effets négatifs insuffisamment pris en compte. Au-delà des a priori idéologiques, c'est effectivement la critique qu'on pourrait formuler : n'aurait-il pas mieux valu préparer une réforme plus nuancée, moins empressée, de la fiscalité du patrimoine et en permettre une évaluation réellement efficace ?

Rappelons qu'une grande partie des Français s'acquittent déjà d'impôts sur la détention de capital : les taxes foncières. Dans cette perspective, l'IFI ne s'apparente qu'à un impôt additionnel à la taxe foncière pour les patrimoines les plus élevés.

Cette réforme semble avoir eu un effet positif sur l'attractivité du pays, comme en témoigne le retour d'un certain nombre de contribuables. En outre, la perte de recettes fiscales n'a pas été aussi forte qu'annoncé. Toutefois, peut-on aller jusqu'à attribuer les bons résultats économiques de la France pendant les trois premières années du quinquennat à cette réforme particulière ? Ne faut-il pas y voir aussi l'effet de réformes antérieures ou intervenues dans des domaines plus structurels, comme la réglementation en matière de droit économique et de droit du travail ? Le doute est permis.

Depuis le 17 mars 2020, le contexte a radicalement changé. Il s'agit non plus de favoriser l'attractivité ou d'améliorer la compétitivité de notre économie, mais de soutenir les entreprises face à une crise majeure et de sauver notre tissu économique des conséquences dramatiques des mesures d'urgence mises en place pour lutter contre l'épidémie de coronavirus.

Hier, le ministre de l'action et des comptes publics a annoncé un chiffre actualisé du déficit public, désormais estimé à 220 milliards d'euros pour 2020 ! Cette dégradation sans précédent des comptes publics va entraîner un endettement record et – hélas ! – probablement le besoin de dégager de nouvelles ressources.

Se pose alors la question de la contribution des différents secteurs de la société au redressement économique du pays, en particulier le rôle des plus aisés, et sur la manière la plus adéquate de contribuer. Du strict point de vue des finances publiques, l'imposition du capital peut dégager quelques milliards d'euros de recettes. C'est une contribution, certes, limitée face à l'ampleur de la dépense, mais, là aussi, symbolique.

Le relèvement du seuil d'assujettissement de 1,3 million d'euros à 1,8 million d'euros, afin de sortir de l'impôt les « petites fortunes » immobilières, comme le proposent nos collègues socialistes, serait une bonne chose. En effet, depuis l'instauration de l'ISF, le patrimoine moyen des Français a très sensiblement augmenté.

La modernisation des modalités déclaratives est aussi une exigence, car c'était un des principaux défauts de l'ISF. Elle reste toutefois à préciser.

Force est de constater que les mesures d'urgence sanitaire n'ont pas affecté tous les ménages et toutes les professions de la même manière. C'est pourquoi une taxation du capital ne serait pas moins légitime qu'une taxation accrue de la consommation ou des revenus.

La situation des finances publiques sera un sujet de préoccupation encore plus majeur dans les prochains mois. C'est pourquoi les propositions dans leur diversité sont bienvenues. Les membres du groupe du RDSE, dans leur majorité, voteront donc en faveur de cette proposition de résolution ; les autres s'abstiendront. (M. Éric Jeansannetas applaudit.)

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