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Proposition de résolution relative à la reconnaissance du génocide des Assyro Chaldéens de 1915-1918

M. André Guiol. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme l'ont rappelé les auteurs de la proposition de résolution, la reconnaissance du génocide des Assyro-Chaldéens s'inscrirait dans la suite de celle du génocide des Arméniens de 1915, portée par la loi du 29 janvier 2001.

 

Le procédé et le but d'un génocide sont l'extinction en tout ou partie d'un groupe ethnique, religieux ou racial ; c'est la pire abomination de l'humanité.

Nous portons tous la même appréciation sur ces moments tragiques de l'histoire. Bien entendu, il faut condamner les massacres perpétrés, entre 1915 et 1918, contre la communauté assyro-chaldéenne-syriaque, un peuple réduit, du fait de sa faible population contemporaine, mais riche de sa culture, et immense par les gloires qu'il assume ou qu'il rappelle ; un peuple poussé à la marginalisation et contraint à l'immigration ; un peuple ayant presque entièrement péri, sans que l'Europe s'émût et sans que nul y prêtât intérêt, plongé dans l'oubli et dans l'indifférence générale ; un peuple sans État, que le climat favorable aux nationalités, il y a de cela un siècle, a oublié, abandonnant à leur sort ses quelques milliers de survivants.

Après s'être engagé à apporter des garanties pour la protection des Assyro-Chaldéens et d'autres minorités ethniques ou religieuses à l'intérieur des régions d'un empire ottoman alors démantelé, Paris a finalement rendu caduc tout accord intervenu. Or, à l'heure du règne des États-nations, sans son propre État, un peuple n'a point de salut.

L'idéologie nationale qui cimente les États récemment constitués privilégie souvent, à l'excès, l'appartenance au groupe ethnique majoritaire... Entre l'émiettement en micro-communautés et un ordre étatique négateur des particularismes minoritaires, la France doit jouer le rôle de porte-étendard des États démocratiques et de protecteur des minorités.

Néanmoins, avant de porter notre réflexion vers toute forme de reconnaissance, il est important de rappeler la controverse entourant la qualification de génocide et le rôle du législateur dans sa quête de la juste vérité historique. Rappelons que reconnaître des faits inventoriés par des historiens n'est pas refaire l'histoire, et l'on se gardera bien d'avoir des positions à géométrie variable.

Si les Assyro-Chaldéens n'ont jamais connu, semble-t-il, le bonheur des « peuples sans histoire », leur massacre répond indiscutablement, a minima, à la qualification de crime contre l'humanité. Cependant, au-delà du fait de retenir ou non la dénomination de génocide, je ne souhaite pas que, sans consensus, nos actes mémoriels incitent à une guerre des mémoires et à une concurrence des victimes.

Il y a eu, et il y a encore, tellement de malheurs, d'atrocités, d'exactions, de guerres et de conflits qui ont jalonné et jalonnent encore notre histoire... Il faut donc qu'il y ait non pas concurrence, mais universalité des victimes.

Nos indignations ne doivent pas être sélectives. Or, s'il nous appartient de reconnaître le génocide arménien, et désormais le génocide assyro-chaldéen, sur quelle base refuserions-nous de reconnaître celui des Tutsis au Rwanda ? Mais la liste est si longue ; scrutez l'actualité !

Néanmoins, la reconnaissance du génocide des Assyro-Chaldéens, dont le massacre fut, je le rappelle, avéré en son temps par la Société des Nations (SDN), doit constituer un jalon majeur pour la justice et la lutte contre l'impunité sous toutes ses formes, au Moyen-Orient comme partout ailleurs dans le monde.

Cet acte mémoriel ne doit pas stigmatiser, culpabiliser, exclure ou diviser les populations actuelles en qualifiant de génocidaires les descendants des coupables de ces exactions. Au contraire, les faits établis de manière définitive doivent faire l'objet d'une acceptation unanime et servir de fondement à une réconciliation.

Si les souffrances des Arméniens ont principalement attiré l'attention de la communauté internationale au siècle dernier, ce texte va dans le sens des récentes évolutions en la matière. En effet, ce sont consécutivement l'Association internationale des spécialistes du génocide (IAGS), l'Allemagne et le Saint-Siège qui ont consacré l'extermination concertée des Assyro-Chaldéens par l'Empire ottoman de 1915 à 1918 comme génocide.

Toutefois, je terminerai mon propos en vous rappelant la polémique qu'avait suscitée la proposition de loi de 2012 visant à réprimer la contestation de l'existence des génocides reconnus par la loi, dont celui des Arméniens, adoptée ici au Sénat. Son adoption avait en effet provoqué de graves tensions diplomatiques entre la France et la Turquie.

Or, si le contexte ne doit pas interférer sur ce qui est juste, je doute que le moment soit opportun pour raviver les tensions entre nos deux États, alors qu'Ankara, endeuillée, fait face aujourd'hui à la plus importante catastrophe de ces quatre-vingts dernières années, laquelle nécessite tout notre soutien.

C'est pourquoi le groupe du RDSE, fidèle à sa diversité et attaché à sa liberté de vote, s'en remet à l'appréciation de chacun de ses membres. Une majorité d'entre eux approuvera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – Mme Nicole Duranton applaudit également.)

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