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Proposition de loi visant à adapter le droit de la responsabilité civile aux enjeux actuels

M. Michel Masset. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous sommes nombreux au sein de cette assemblée à avoir connu la réalité des conflits de voisinage : les oies de Monlaur-Bernet, dans le Gers, le coq Maurice de l'île d'Oléron, les ânes, les chiens, les exploitations agricoles, les élevages, les industries, les artisans… Il faut comprendre que chaque territoire a son propre patrimoine.

Toutefois, les conflits de voisinage augmentent et, quand la zizanie s'installe, l'ensemble de la collectivité en pâtit. Dans ma commune de Damazan, dont j'ai eu l'honneur d'être le maire pendant quinze ans, j'ai bien sûr connu ce type de conflits délicats, notamment lors de la création d'entreprises.

Cette proposition de loi visant à adapter le droit de la responsabilité civile aux enjeux actuels fait suite à de nombreuses autres initiatives parlementaires et nous rappelle la nature de ces enjeux.

Il s'agit tout d'abord d'enjeux écologiques, qui nous conduisent à renforcer les normes pour préserver notre nature et notre climat.

Il s'agit ensuite d'enjeux sociétaux. Le visage de nos départements change et une nouvelle population, autrefois urbaine, s'installe dans les campagnes. Ce nouvel exode est une bonne nouvelle pour l'attractivité de nos territoires, mais il met parfois à l'épreuve notre capacité à vivre ensemble.

Préserver l'harmonie d'un lieu signifie non seulement préserver le cadre de vie et le droit de propriété des citoyens, mais également protéger nos entreprises, qui font vivre nos territoires. Si l'intitulé ambitieux de cette proposition de loi peut paraître en décalage avec son dispositif, qui se limite à un pan spécifique de la responsabilité civile, les questions abordées relèvent au fond de sujets majeurs pour la ruralité.

Il est proposé de consacrer dans le code civil un régime de responsabilité prétorien pour les dommages causés par les troubles de voisinage dits anormaux. Si l'on trouve la première mention de ces troubles dès 1844, conséquence de la révolution industrielle et de la mutation de nos modes de vie, de consommation et de production, le législateur s'est tenu éloigné de cette question.

Le juge judiciaire a ainsi construit un régime autonome du droit commun de la responsabilité civile extracontractuelle disposé dans le code civil. Qualifié de souple, ce régime laisse au seul juge la faculté d'apprécier le critère de gravité de la nuisance, au cas par cas. Il s'agit donc d'un réel enjeu de sécurité juridique pour tous les justiciables, y compris pour nos entreprises.

J'ai pu constater, durant l'élaboration du rapport d'information intitulé Difficultés d'accès au foncier économique : l'entreprise à terre ?, que l'expansion des zones d'habitat, qui rapproche les habitants des locaux artisanaux et industriels expose parfois les entreprises à de nombreuses plaintes, au point de les contraindre au départ, et ce malgré la réalisation d'investissements importants pour limiter les nuisances.

Certains projets font même l'objet d'une présomption de nuisance au nom de laquelle des justiciables portent plainte devant la justice en amont de leur réalisation, ce qui empêche de nombreuses entreprises de s'implanter.

Pour en revenir au texte qui nous occupe, je tiens d'abord à saluer le travail de Mme la rapporteure.

M. Michel Savin. Très bien !

M. Michel Masset. Si les principes de la jurisprudence établie sont conservés, la limitation de la cause exonératoire aux seules activités économiques bouleverse l'équilibre qui a été trouvé à l'Assemblée nationale. Ce changement, qui exclut les activités privées, fera sûrement l'objet de débats, que ce soit dans cet hémicycle ou au cours de la navette parlementaire.

Par ailleurs, je souligne la prévoyance de notre commission, qui a tenu à remédier à l'imprécision de la notion d'« installation » et à préserver la compétence de l'administration – donc du juge administratif – pour les troubles autorisés par elle.

Enfin, je souligne un unique point de vigilance sur l'ajout d'une cause exonératoire au profit des agriculteurs pour les troubles causés par une mise en conformité avec les lois et les règlements. Je m'interroge sur l'aspect restrictif de cette mesure qui vise, en somme, à instaurer une forme de solidarité pour prendre en charge les conséquences des réglementations qui pèsent sur un secteur d'intérêt général.

Cette mutualisation en faveur d'un secteur essentiel à la vie de la nation, l'agriculture, pourrait faire l'objet d'une plus ample réflexion. Pourquoi ne pas l'étendre à d'autres filières particulièrement importantes, notamment dans le secteur industriel et agroalimentaire ?

Mes chers collègues, vous l'aurez compris, le groupe RDSE votera ce texte qui nous invite, au travers d'un sujet quelque peu technique, à réfléchir à la manière dont nous faisons société. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

Mme Françoise Gatel, rapporteur. Très bien !

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